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dans un dur combat et a besoin de notre aide. NOTRE PREMIERE ARMEE DOIT ALLER A SON SECOURS. C’est pourquoi nous fîmes soudain UN ANGLE AIGU, fléchissant ainsi VERS L’EST pour atteindre en marches forcées nos frères opprimés. Quand nous fûmes, vers sept heures, dans la petite ville de R… (sans doute Roye) pour y coucher, nous apprîmes que la 2e armée avait, dans l’intervalle et par ses propres forces, remporté la grande victoire de Saint-Quentin… Le lendemain, 31 août, nous reprîmes notre marche, mais cette fois DIRECTION SUD-EST, tandis que, jusqu’alors, nous marchions SUR LE SUD-OUEST, vers Noyon ; le lendemain, nous franchissions l’Aisne à Vic-sur-Aisne. »

Peut-on établir plus nettement la relation de cause à effet ?

Et ce n’est pas ici un témoignage isolé. Ce qui se passe au IIIecorps, c’est-à-dire au contre de l’armée von Klück, se répercute dans tous les autres corps : le IVe corps a été transporté avec une rapidité extrême à la gauche de l’armée ; partant du Cateau, il a gagné Péronne avec une direction franchement Ouest ; de là, par un bond prodigieux, il est arrivé, le 29, à Margny-sur-Matz. Or, un carnet de route de ce corps[1] nous apprend qu’à cette date du 29, il a soudainement abandonné la direction Ouest et s’est mis en marche vers Noyon en repassant par Roye. Voilà le « tête à queue » bien marqué.

Plus à gauche, se trouve le IIe corps. Il s’est porté à l’Ouest jusqu’à frôler Amiens, à Villers-Bretonneux, lorsque subitement il a obliqué vers le Sud par l’Ouest de Moreuil et de Montdidier, comme s’il voulait gagner Paris ; il est arrivé à Maignelay et Montigny ; et le voilà rappelé en toute hâte VERS L’EST, à la hauteur de Chevrières, le Ier septembre.

Nous avons vu enfin que le IXe corps est détourné également de sa route, qu’il doit rétrograder de la direction de Péronne où il est engagé, et qu’il est rattaché, en partie du moins, à l’armée Bülow pour prendre, avec celle-ci, la direction de la Fère, Laon, Soissons.

Donc, tous les témoignages et tous les faits concordent : c’est le 29, le 30, le 31 août et le Ier septembre, c’est-à-dire aux premières nouvelles de la bataille de Guise, selon la distance où se trouvent les corps et selon la rapidité d’exécution, que le changement de direction se produit, et que von Klück

  1. Extrait d’un carnet, de route d’un officier d’état-major de von Klück, publié dans le Petit Journal du 7 septembre 1914.