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la lancer à la recherche de résultats incertains quand, surtout le reste du front, les armées française et alliée reprenaient l’exécution de l’Instruction générale du 25 août, c’est-à-dire le repli jusqu’à l’Aisne, et, s’il était nécessaire, jusqu’à la Marne ?

À cette question il n’y avait pas deux réponses : le bon sens, la sagesse imposaient la plus pénible, la plus douloureuse. Le général Joffre a dit, qu’en donnant l’ordre d’arracher la 5e armée à la victoire de Guise, il avait éprouvé un des déchirements les plus profonds de sa carrière militaire. Et cela se comprend. Mais son opinion était conforme à celle du vainqueur de la journée de Guise, le général Lanrezac. Celui-ci sentait le danger : « La situation de la 5e armée devient plus périlleuse de minute en minute. Si elle reste, le 30 août, dans la région Vervins-Guise-Ribemont, découverte qu’elle est à gauche par suite du recul précipité des Anglais et à droite par le départ de la 4e armée, dont elle est séparée par un trou de 30 kilomètres surveillé seulement par quelques escadrons, elle devra faire face à l’Ouest, au Nord et à l’Est. »

Et puis, chacun sent son mal, et on n’avait pas encore connaissance, dans le camp français, et on ne pouvait pas avoir connaissance du mal fait à l’ennemi.

La retraite fut donc décidée. La situation tactique la conseillait, la conception stratégique l’imposait. L’heure de l’offensive générale n’était pas sonnée. La résolution en était prise au Grand Quartier Général et les ordres dictés par le général Joffre, dès la nuit du 29 au 30. Le général Lanrezac fut confirmé dans ces dispositions par un message du 30 août au matin.

Le laps de temps nécessaire pour transmettre les ordres et passer à leur exécution permit de donner une certaine suite aux succès de la veille et de se rendre compte du trouble profond qui en était résulté dans le camp ennemi.


La bataille du 30, jusqu’à la retraite. — Les ordres étant, jusqu’à huit heures du matin, les mêmes que ceux de la veille (c’est-à-dire d’attaquer face à l’Ouest), les combats reprennent dès la première heure.

Suivons-les, de droite à gauche, sur le front français.

A la 51e division de réserve et à la 4e division de cavalerie, qui opèrent en décrochement sur Etréaupont-Guise, le succès est complet. Et ce succès est gros de conséquences, car c’est de