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davantage, du moins le front n’était pas rompu : French restait en ligne.

Considérons, d’autre part, la situation de l’armée Lanrezac à l’égard de ses deux voisines, l’armée Maunoury et l’armée de Langle de Cary. Maunoury avait bravement attaqué von Klück avec une armée en voie de se constituer. Von Klück avait été arrêté ; le combat de Proyart lui avait fait subir de lourdes pertes ; mais ces résultats n’étaient pas décisifs, et ne pouvaient pas l’être : l’armée Maunoury, n’étant pas encore au complet, n’avait pu donner à fond. Elle avait manifesté sa présence ; cela suffisait : il n’y avait pas lieu d’insister.

Du côté de l’armée de Langle de Cary, les batailles de la Meuse et de Signy-l’Abbaye avaient fortement entamé l’équilibre des armées d’invasion. Le duc de Wurtemberg et von Mausen étaient rejetés sur l’Est et se séparaient, de plus en plus de l’armée von Bülow. Mais, de ce côté non plus, la poire n’était pas mure. L’armée Foch était à peine créée, son action ne pouvait pas se manifester avant quelques jours. Verdun était sauvé : c’était le principal. Il fallait savoir prendre du champ, à l’abri de la forteresse. Donc, de Langle de Cary et Sarrail devaient reculer encore. Et, par cette retraite, Lanrezac allait se trouver découvert.

Sur son propre front, la situation était confuse : dans l’ensemble, le soldat était fatigué par les longues marches et une dure bataille. Certains corps, notamment le 18e, le Groupe des divisions de réserve, le 10e corps avaient beaucoup souffert. Certes, la joie du succès s’était répandue comme une traînée de poudre, d’un bout à l’autre de l’armée, dans la nuit du 29 au 30. L’ennemi avait fui… Malgré tout, il fallait tenir compte du trouble que des combats complexes avaient produit dans l’ordre des corps et des unités, de l’apparition des troupes allemandes sur les lignes de la Fère, des perles subies, de la surprise causée par la disparition soudaine et complète de l’armée britannique.

L’armée Lanrezac restait en flèche ; à sa droite et à sa gauche, elle était découverte. Malgré la merveilleuse position tactique qu’elle occupait sur les plateaux du Marlois, avec la tête de pont de Guise reconquise et le mouvement possible sur les derrières de l’armée Bülow entre Guise et Étréaupont, fallait-il la maintenir à tout prix sur celle ligne avancée pour