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la réponse ?… La mise sous scellés des papiers de Dietrich et le transfert de l’infortuné à la prison de l’Abbaye en septembre 1793, un an après les massacres qui avaient ensanglanté ce lieu funèbre. Dietrich supportait avec un courage admirable ces nouveaux tourments et faisait de temps à autre parvenir à sa femme des lettres épouvantes de sollicitude et de tendresse[1]. Il ne sentait réellement son malheur que depuis leur séparation. Son existence était devenue un véritable supplice, du jour où on l’avait arraché de ses bras, mais il rappelait que, dans toutes les révolutions, il y avait eu des victimes sacrifiées aux haines particulières. S’il fallait être du nombre, il quitterait avec sérénité une vie qu’on lui forçait de traîner loin d’une épouse chérie… Tout à coup, il apprend qu’elle est sortie de cachot et il écrit qu’il a bondi de joie en apprenant enfin sa mise en liberté.

Mais voici qu’on lui fait connaître l’arrestation de son fils François, puis celle de son second fils Albert, à Chaumont. Alors, son chagrin redouble. Sa santé s’affaiblit. Il regrette bientôt de ne pas la voir se détériorer davantage. Il sait que Robespierre a juré sa mort et cela ne le trouble point. On l’accuse d’avoir voulu livrer Strasbourg à l’ennemi, lui qui avait pourvu à sa défense et juré de se faire sauter avec une poudrière plutôt que de capituler ! Le chef des Jacobins de cette ville demanda qu’on le fit juger sur place pour donner un exemple salutaire aux traîtres qui auraient voulu l’imiter. Mais Robespierre, dans la réunion du club central des Jacobins, laissant entendre qu’il trouverait encore des défenseurs en sa ville natale, persista à le livrer au tribunal révolutionnaire, sûr qu’il était d’une sentence inexorable. C’est la partie qu’il me reste à examiner. Ce n’est pas la moins émouvante de cette étude historique.


Enfermé à l’Abbaye depuis le 7 septembre 1793, Dietrich comparut le 27 décembre devant le juge Foucault, qui renouvela les questions faites à Besançon et auxquelles l’accusé avait déjà si victorieusement répondu. On n’en tint aucun compte et on le considéra, sur les dires d’Euloge Schneider, Monet et Laveau, comme complice de La Fayette, suppôt de la royauté,

  1. Cf. Louis Spach, p. 130 à 135.