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fut salué par les applaudissements enthousiastes de tout l’auditoire. Dietrich allait donc être libre ?… Hélas ! non.


Et pourquoi ? Puisque sur tous les points l’accusé était reconnu non coupable, comment pouvait-on le retenir encore ? L’accusateur public, en proclamant son innocence, avait cru devoir ajouter qu’il serait mis en liberté, s’il n’était détenu pour autre cause. Et, par un comble de déloyauté, Dietrich fut ramené dans son cachot comme suspect d’être émigré. Comment cela pouvait-il se faire ? Est-ce que la Convention ne l’avait pas traduit devant le tribunal de Besançon pour des griefs autres que ceux de l’émigration ? N’avait-elle pas elle-même écarté le grief d’être émigré, puisqu’il était rentré spontanément en France ?… Mais son acquittement avait stupéfié ses ennemis. Les commissaires des huit sections révolutionnaires de Besançon avaient immédiatement écrit aux commissaires des quarante-huit sections de Paris que le complice de La Fayette et l’agent du traître Louis venait d’échapper au glaive de la Loi. Il fallait absolument « terrasser ce suppôt de la tyrannie, » mandaient les citoyens Poulet, Proudhon et autres[1]. Ils furent naturellement écoutés.

Dietrich ne s’étonna pas de cette nouvelle iniquité, mais il ne voulut pas la subir sans protester. Il écrivit à la Convention et fit appuyer sa protestation par son défenseur Kerversau, qui prouva que son client était rentré en France dans le délai légal et de plein gré. On ne lui répondit pas. Le Conseil municipal de Strasbourg, récemment élu par le parti modéré, avait été révoqué. Le jacobin Monet était devenu maire de la ville, et son âme damnée était l’apostat Schneider, ennemi, lui aussi, de Dietrich. Un des défenseurs officieux de l’ancien maire, Tronçon-Ducoudray, avait écrit de nouveau à la Convention pour, solliciter la mise en liberté motivée sur l’acquittement du jury de Besançon, mais les adversaires de Dietrich continuaient à l’accuser et à empêcher toute mesure favorable[2]. Quelle fut

  1. Archives Nationales, F7 459.
  2. Les citoyens Wolff, Laveau, Monet et autres continuaient à demander contre lui l’application des lois sur les émigrés, et leur pétition avait été renvoyée au Comité de législation de la Convention qui y donna un avis favorable. (Archives Nationales, F7 5195.)