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gens sournois et perfides, de misérables intrigants comme Klinglin, des individus qui, suivant l’expression de Louis Spach, « voulaient à la fois le noir et le blanc, » le progrès et la conservation, la fin sans les moyens, la destruction de l’ancienne Constituante strasbourgeoise et le maintien d’une ferme autorité… Dietrich brava tout cela et, le 18 mars 1790, inaugura ses fonctions de premier maire de Strasbourg, par un discours énergique et libéral. S’adressant au corps municipal, il lui dit : « Travaillez avec moi à faire fleurir dans nos murs le commerce, les sciences et les arts, à maintenir l’abondance, à secourir la misère, à faire revivre, sur les rives du Rhin, les beaux jours de Rome, de Sparte et d’Athènes ! Unissons tous nos efforts pour réchauffer le patriotisme et maintenir les lois nationales… » Puis, au pied de l’autel du Temple-Neuf, il répéta le serment fait devant le peuple et jura de défendre la Constitution et la liberté de toutes les forces de son être, de tout son bien, de tout son sang « prêt, disait-il « à vivre, à mourir pour la Nation, pour la Loi et pour le Roi. »

Hélas ! ce serment allait être littéralement tenu… et des mains scélérates devaient anéantir l’homme généreux qui avait sincèrement promis d’assurer le bien-être et les droits de ses concitoyens. Tous ses efforts eurent ce noble but et tous furent méconnus. Pendant plus de deux ans, il avait maintenu à Strasbourg le respect de l’ordre et des institutions démocratiques, et tout cela fut oublié ou transformé en grief ou même en crime. Il lui aurait fallu, comme à un autre Pétion, pactiser avec les hypocrites et les violents, renoncer à ses convictions libérales, mentir au droit et à la liberté pour garder un semblant de popularité. Il préféra simplement la mort.


Pour le moment, il était l’homme de la situation et semblait ne pas avoir d’ennemis notoires. Ses vrais amis cependant l’engageaient énergiquement à ne pas s’y fier. Raymond de Carbonière, le bailli de Flachslanden, La Fayette lui-même lui recommandaient la prudence et la fermeté. « Vous êtes entouré d’obstacles et d’intrigues, lui mandait ce dernier à la date du 10 juin 1790, mais votre patriotisme et vos talents en triompheront. Je serai toujours prêt à solliciter auprès de l’Assemblée nationale et du Roi tout ce qui pourra faciliter vos travaux et