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sont pas moins d’une grande valeur. Les vingt-cinq ou trente-mille hommes qui la composent sont fortement établis sur le cours moyen de la Volga, dans la région de Samara, et ont poussé une pointe jusqu’à la ville de Kazan. Iront-ils plus-loin ? on n’en peut guère douter. Jusqu’ici leur effort vers le Nord s’est heurté à une énergique opposition des bolcheviks. Ceux-ci ont compris que, si une jonction s’établissait entre la masse tchèque de Samara et le centre de résistance constitué par les Alliés à Vologda, c’en était fait de leur domination ; ils ont voulu couper à tout prix ces deux groupes de forces hostiles ; ils n’ont pas hésité à faire appel aux pires ennemis du slavisme, en demandant le concours de deux corps d’armée-allemands. Alors s’est constitué ce que les communiqués bolchevistes appellent « le front Penza-Samara, » le long d’un segment de la grande ligne de Moscou à Tcheliabinsk. Mais ce-front peut être ou percé ou tourné : les Tchèques sont de taille à être victorieux, nous ne disons pas seulement des forces bolchevistes, mais même des forces allemandes. Le jour où leur avance, après Kazan, aura atteint Nijni-Novgorod, puis Vologda, où ils auront donné la main aux contingents Alliés de la côte mourmane, ce jour-là l’Entente disposera de deux grandes transversales parcourant l’ancien empire russe du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est, l’une de la mer Blanche à la Caspienne, d’autre de la Volga à la mer du Japon. Alors la dictature des bolcheviks aura vécu. Dès à présent elle est fortement ébranlée : les assauts que lui livrent quotidiennement les Tchèques de Samara l’affaiblissent peu à peu en Europe, tout comme les victoires des Tchèques d’Irkoutsk et de Vladivostok la ruinent en Asie. Si cet immense territoire est arraché au joug germano-bolchevik et rendu à lui-même, les Tchéco-Slovaques n’auront pas été les seuls ouvriers de cette libération, mais ils auront été les meilleurs.


III

Telle est, aussi brièvement résumée que possible, l’histoire de cette aventure singulière, que personne à coup sûr n’aurait prévue lorsque commença la guerre, ni même il y a dix-huit mois, à l’aurore de la révolution russe. Nous sera-t-il permis, après en avoir retracé les principales phases, d’en dégager quelques conclusions ?