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serait plus dommageable qu’utile à la cause commune. Et, pour ces très bonnes raisons, il n’a pas voulu lancer ses concitoyens dans le gâchis de la guerre civile.

Il lui a paru, à lui et à ses amis, qu’il y avait une solution meilleure, corollaire naturel du principe qui, depuis quatre ans, domine toute leur conduite. La politique des leaders tchécoslovaques à l’étranger, durant cette guerre, a eu pour objet fondamental de faire que la nation tchèque, — du moins la fraction qui vit en dedans des frontières austro-hongroises, — soit regardée comme un des belligérants de l’Entente, au même titre que la Belgique ou la Serbie, ou que la Grèce vénizéliste. Appliquée à la situation russe, cette maxime essentielle fournissait un moyen excellent de dénouer la question litigieuse. Les troupes tchèques devaient être traitées exactement comme les contingents français ou anglais qui se trouvaient en Russie ; elles devaient, comme ces contingents, avoir la liberté de se retirer et d’aller combattre en des pays moins résignés à subir, sous prétexte de paix, le joug allemand. Les membres du Conseil National ont discerné, avec un sens politique très sûr, que telle était la seule issue pratiqué et honorable ; ils ont reconnu en même temps qu’il y avait là une occasion unique de faire inscrire les Tchèques parmi les « Alliés, » et, lorsque le triomphe des bolcheviks a été certain, ils ont entamé une double négociation en ce sens, avec les bolcheviks d’une part, de l’autre avec l’Entente.

Cette dernière a abouti à une décision dont les effets durent encore, et qui, nous le craignons, n’est pas connue autant qu’elle mériterait de l’être. Lorsque les lecteurs, chez nous, apprennent par les journaux que les Tchéco-Slovaques ont infligé aux bolcheviks quelque punition cinglante, combien se doutent que les succès dont ils parcourent distraitement le récit sont du réalité des victoires françaises ? C’est cependant la stricte vérité. Depuis la fin de 1917, toutes les troupes tchèques de Russie, aussi bien que celles d’Italie, sont officiellement considérées comme des détachements de l’armée tchéco-slovaque résidant en France, commandée par le général Janin et placée dans les cadres de l’armée française. Elles forment une sorte de corps expéditionnaire, à peu près comme l’armée de Salonique.

Bien entendu, ce rattachement des troupes tchèques aux