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encore ? Une comparaison éclairera notre pensée. Il y a également des prisonniers tchèques en Italie, 22 000 environ. Un représentant du Conseil National des Pays Tchèques est allé un jour à Rome, a demandé et obtenu la permission de prêcher dans les camps de prisonniers la guerre sainte contre l’Austro-Allemagne. Il promettait, — promesse que le gouvernement italien accueillait avec une bonne volonté légèrement étonnée, — de recruter, parmi ces 22 000 captifs, 15 000 combattants : il en a recruté 17 000, en moins d’un mois. Le résultat obtenu en Russie, si beau qu’il soit, n’atteint pas ce pourcentage magnifique. Mais pourquoi ? Nous devons le savoir. Il y en a deux raisons, l’une toute matérielle et fatale, à laquelle personne ne pouvait rien : c’est l’éparpillement des dépôts de prisonniers tchèques sur l’immense étendue de la terre russe. Il était fort difficile, pour quelques hommes isolés comme l’étaient les propagandistes tchèques, d’atteindre leurs compatriotes dispersés aux quatre coins de ce gigantesque empire, de leur faire savoir qu’on les admettait à combattre dans l’armée russe, et de leur faire sentir que là était leur devoir. Il n’en faut que plus admirer l’effort héroïque grâce auquel ils ont pu triompher en partie de cet obstacle. Dans des conditions aussi malencontreuses, il est inouï que M. Masaryk et M. Stefanik aient pu obtenir si vite un si grand nombre d’adhésions. Mais, même en tenant compte de la difficulté géographique, soyons sûrs qu’ils en auraient recueilli davantage, si leur action n’avait été contrecarrée par ceux-là mêmes qui auraient dû la seconder et au profit de qui elle s’exerçait. Les hommes du Conseil National tchèque ont vu se dresser contre eux, non seulement la lenteur, la routine, la timidité des bureaux, — de ceci, la Russie n’a malheureusement pas le monopole, — mais l’hostilité, tantôt sournoise et tantôt déclarée, toujours certaine, des gouvernants de Petrograd. Il y a eu, de la part de Stürmer et de ses dignes acolytes, une véritable trahison : on sait trop que ce n’est pas la seule. Avant de combattre pour la Russie contre les Austro-Allemands, les Tchèques ont dû livrer un premier combat contre le gouvernement russe !

Ils en sont pourtant sortis vainqueurs, à force de persévérance, dans la mesure déjà très large que nous avons tout à l’heure indiquée. A la veille de la révolution, l’armée tchéco-slovaque de Russie existait, et avait fait d’excellent travail. La