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et aussi audacieuses, pour le XVIIe siècle, que le creusement moderne des canaux de Suez et de Panama. Les contemporains de Riquet, plus aptes à remuer des idées que de la terre, financiers à la bourse peu garnie, ingénieurs au bras encore peu puissant, ne disposaient pour leurs travaux publics d’aucun de nos outils tranche-montagnes d’aujourd’hui : pelles à vapeur, avec lesquelles trois ou quatre ouvriers déplacent 5 à 6 000 mètres cubes par jour ; benne Hoover et Mason, qui permet à un seul individu de décharger 250 tonnes à l’heure.

La jonction de l’Océan avec la Méditerranée, soit par la Bourgogne, soit par le Languedoc, était à l’enquête depuis soixante ans lorsque les travaux commencèrent sous Louis XIV. L’union des deux mers ne se réalisa d’ailleurs que sur les cartes, où la voie était marquée d’un trait continu ; car, dans la partie de la Garonne comprise entre Toulouse et l’embouchure du Tarn (81 kilomètres), la navigation était presque nulle, faute de profondeur. Da Toulouse à Bordeaux le trafic annuel par eau, en 1847, n’était encore que de 200 000 tonnes, dont 120 000 à la descente et 80 000 à la remonte ; par terre, de Bordeaux à Toulouse, il n’était pas transporté plus de 25 000 tonnes ; il est vrai que le roulage prenait alors 85 francs les mille kilos, c’est-à-dire 33 centimes par kilomètre.

Dans les dernières années de l’ancien régime, l’opinion su préoccupe partout de l’amélioration des routes fluviales et, au lieu de contrecarrer les projets du gouvernement, comme elles l’avaient fait maintes fois antérieurement lorsqu’il s’agissait d’ouvrir une route ou de creuser un canal, les municipalités, les assemblées locales, pressent l’Etat de leur venir en aide ; mais quoique à cette époque les mémoires, les projets, les plans et devis détaillés se soient multipliés dans les cartons en vue d’approfondir, élargir, curer au moins et utiliser les cours d’eau de toute taille, ne fût-ce qu’en détruisant les barrages qui les obstruaient, il n’existait encore, sous Louis XVI, qu’un millier de kilomètres de canaux livrés à la circulation.

La longueur de nos canaux actuels, — 4 700 kilomètres, — a presque quintuplé ; mais c’est seulement depuis 1878, grâce à l’exécution du « plan Freycinet », que plus de moitié d’entre eux ont été amenés à une profondeur d’eau de 2 mètres et munis d’écluses uniformes, permettant la circulation de la péniche flamande de 320 tonnes, — 38 mètres de long sur 5 mètres de