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attendant leur sort avec angoisse. Environ trente maisons étaient devenues la proie des flammes ; de même l’église, dont le clocher subsiste cependant, en dépit de l’incendie.

Le 21 au matin, les habitants furent rassemblés, comme un troupeau, les mains hautes, et, à quelques exceptions près, emmenés à Morhange. Et environ dix nouvelles maisons du quartier dit de Lorraine furent détruites par les barbares. Les femmes et les enfants qui restaient suppliaient les soldats de les emmener dans d’autres villages, car le spectacle de l’incendie et de la dévastation leur était insupportable.

Le samedi 22 août, un homme âgé se dirigeait vers un puits, près de la route, pour y remplir un seau d’eau. Au même instant arrivait une automobile militaire, qui stoppa pour permettre à un officier d’abattre le malheureux avec son revolver.

Les soixante-cinq hommes qui avaient été arrêtés le 21 furent conduits au champ d’exercice de Morhange. Ils étaient partis, les uns en sabots, d’autres en pantoufles et en manches de chemise, et n’avaient, sous l’effet de la terreur, rien mangé depuis plusieurs jours. Arrivés au champ d’exercice, on leur ordonna de se coucher à terre, la face contre le sol et on leur dit qu’avant la nuit, ils seraient tous fusillés. Toutefois, sur un ordre supérieur, ils furent emmenés, avec un convoi de prisonniers de guerre français, a Puttelange, où on les embarqua en chemin de fer. Dans les villages de langue française, les habitants offrirent aux prisonniers des aliments, mais les Bavarois les repoussèrent brutalement. Dans les villages de langue allemande, par contre, l’accueil fait aux prisonniers par la population fut hostile. Des pierres volaient, de grossières injures furent proférées, des cannes furent brandies à l’effet d’effrayer les prisonniers. Les scènes qui se produisirent à Deux-Ponts dépassent toute description. Après ces multiples tourments, les habitants de Dalheim furent enfermés dans la prison de cette ville. Pendant six semaines, ils n’eurent comme nourriture que du pain et de l’eau. Ils couchaient sur de la paille pourrie. Le 11 septembre, le jeune Paul Becker fut condamné à mort par le Conseil de guerre, sous prétexte qu’il avait tiré sur un réserviste. Le jugement fut, toutefois, cassé pour faux témoignage.

En octobre, le sort des prisonniers fut amélioré. On commença par remettre en liberté quelques vieillards, des gens