temps de Louis XVI, sont étonnés d’être tout à coup « dépaysés » et de découvrir un monde nouveau, peu d’heures après avoir quitté leur ile : l’un d’eux s’extasie « du coup d’œil qu’offre la place du marché, à Calais, avec ses femmes aux corsages singulièrement fastueux, aux bonnets a grandes ailes, portant presque toutes des chaînes, des colliers, des croix d’or, et, toutes, même les enfants et les vieilles, des pendants d’oreilles[1]. A l’hôtel Dessin, gloire de la ville, les servantes « uniformément mises à la dernière mode, ont toutes le bonnet à barbes flottantes et de longues boucles d’oreilles[2]. » Le colonel Thornton admire, à Dieppe, les corsages bleus ou rouges que portent les femmes, leurs sabots couverts de peau de mouton et surtout leurs bonnets normands qui « par le luxe de leurs dentelles vaudraient de soixante à cent louis[3] ; » à Bolbec, Sir John Carr est ravi d’un déjeuner « servi par des bonnes en costume cauchois complet » ; à Rouen l’hôtesse chargée, elle aussi, d’énormes boucles d’oreilles qui paraissent être un emblème corporatif, « est habillée à la grecque. » A Béziers, Mme Cradock note que, « suivant la coutume du pays, toutes les servantes de l’auberge sont nu-pieds ; la maîtresse du logis seule est chaussée[4]. »
Si l’on a la chance de traverser une ville au jour d’une fête, tout enchante, tout surprend, tout est pittoresque et « local, » cavalcade ou procession, commémoration de quelque fait d’histoire ou de quelque miracle des vieux âges : rien ne ressemble à ce qu’on verrait ailleurs. Il y a le Graouli à Metz, la Tarasque à Tarascon ; chaque bourgade, presque chaque village a sa « réjouissance » annuelle, prétexte à dévotions et à bombances dont prennent leur part les étrangers de passage, fêtes pour les vendanges, fêtes pour les moissons, fêtes patronales des abbayes somptueuses qui, à cette occasion, ouvrent toutes grandes leurs portes, visite des Trésors, exposition des reliquaires, toutes causes d’énormes afflux de pèlerins et de curieux. A Fère-Champenoise, les touristes nancéiens assistent, d’une fenêtre du Lion d’or, « où ils sont bien régalés et à bon compte, à une fête solennelle pour l’anniversaire d’un incendie qui avait jadis consumé presque entièrement le bourg[5]. » A Agen,