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C’est pour cela que les Allemands ont, dès le début de la campagne, intensifié l’emploi de leurs « minenwerfer » (lance-mines) de tranchée. C’est pourquoi nos Alliés anglais ont développé l’usage d’un engin analogue, leur canon Stokes, dont ils ont fait notamment sur la Somme un fructueux usage, canon léger, sans culasse, et qui lance, comme chacun sait, un petit projectile fort démoralisant de 5 kilogs environ.

A côté de ces engins, notre 58 était évidemment encombrant, lourd, imprécis, difficilement maniable, d’un tir lent. Ce fut un bon outil d’improvisation, qui n’eût dû être qu’une transition et dont on voulait faire (le provisoire étant administrativement toujours destiné à durer) une chose que rien ne devait remplacer. C’est dans ces conditions que, dès 1915, Archer présenta son canon dont, sans vouloir en donner ici aucune des caractéristiques, on peut dire qu’il était infiniment plus léger, plus maniable, plus précis, plus rapide. Depuis, d’autres engins analogues ont été mis au point chez nous pour la destruction de tranchée à tranchée, et il n’entre point dans mon sujet d’en balancer les avantages respectifs. Ce qu’on peut dire seulement c’est qu’ils paraissent équivalents. Pourtant, quand le canon Archer fut imaginé, il présentait une supériorité marquée sur les engins alors en service. Il a des inconvénients ; il a aussi des avantages, notamment de pouvoir lancer des projectiles des calibres les plus variés, ce qui permettrait d’utiliser les lots abondants de projectiles rebutés que nous possédons.

En somme, il résulte de cet exposé que la première nécessité à laquelle a paru répondre d’abord le canon de tranchée (qui est bien un canon d’infanterie, puisqu’il est là où est l’infanterie) ce fut la destruction de la tranchée adverse.

A cet égard, une remarque et une réserve s’imposent immédiatement : il est maintenant admis, et cela ne fut point sans peine, que la destruction de la première tranchée n’est point le rôle de l’artillerie lourde. Comme le disait naguère le chef d’armée allemand von Below, dans une instruction confidentielle : « L’artillerie lourde ne doit pas se laisser entraîner à choisir des positions trop en arrière en se basant sur la portée de ses pièces. Celle-ci n’a pas pour but de permettre aux batteries d’échapper au tir de l’ennemi en se plaçant loin, mais d’utiliser cette grande portée pour agir très loin en arrière du front ennemi[1]. »

  1. C’est moi qui souligne. — C. N.