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le désastre russe si les Alliés avaient voulu, avaient osé s’en servir pour venir au secours du gouvernement provisoire ou si seulement, — et c’est l’opinion qu’émettait, il y a quelques mois, un attaché militaire russe auprès d’une des puissances de l’Ouest, — ils avaient envoyé par-là à Petrograd des denrées alimentaires au lieu d’un inutile matériel de guerre qui encombre encore aujourd’hui les principales stations, aussi bien, du reste, que les quais d’Arkhangelsk et que la voie Arkhangelsk-Vologda : « La révolution maximaliste, me disait cet officier supérieur, n’a peut-être tenu qu’à quelques boites de conserve et quelques sacs de farine. » C’est assez l’habitude des grandes révolutions, en effet : elles ont toujours et partout leur journée du 5 octobre.


Quelle était exactement la situation au double point de vue politique et militaire dans la région qui nous occupe, lorsque a commencé l’entreprise germano finlandaise sur la côte mourmane, la course à la mer libre ? Comment l’état-major allemand entendait il procéder pour cette mainmise et dans quelle mesure pouvait-il compter sur le gouvernement bolchevik de Moscou pour l’aider dans l’exécution de ses desseins ? Enfin, quels étaient les objectifs exclusivement militaires et d’une portée immédiate que visaient de ce côté nos ennemis ?

A la première de ces questions il est sans doute malaisé de répondre et il semble bien que dans l’état d’anarchie complète qui régnait depuis le début de novembre 1917 en Russie, un bien petit nombre de personnes étaient en état d’évaluer les forces armées existant soit à Arkhangelsk, soit à Alexandrowsk, soit sur la voie ferrée Kola-Petrograd, au moins jusqu’à la station de Pelrogavodsk.

Nous savons seulement et un peu confusément qu’en ce qui touche les Alliés d’Occident, Français et Anglais, il y avait sur ces divers points des détachements fort hétérogènes, troupes techniques, éléments organisés, soit de la guerre, soit de la marine, pour la garde de magasins, entrepôts, ateliers, etc. avec des états-majors variés, plus tard des missions militaires qui, peu à peu, refluaient vers le Nord[1]. Chose singulière et

  1. Je note ici, sous quelque réserve, qu’il y aurait sur la côte mourmane un petit corps de 4 000 à 5 000 Yougo-Slaves, anciens prisonniers autrichiens qui se seraient délivrés et armés, réussissant ensuite à se faire jour vers le Nord.