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deux ans, par l’activité des sous-marins anglais et le sont, aujourd’hui, par une convention anglo-suédoise au sujet de laquelle la Wilhelmstrasse vient de faire d’assez brutales menaces au cabinet de Stockholm. On ne s’étonnera donc pas que nos ennemis aient jeté des yeux de convoitise sur les riches gisements du Finmark[1], qui sont tout, voisins de la frontière de Finlande, l’ancienne frontière russe, si capricieusement découpée.

À la date du 8 juillet dernier, un de mes correspondants norvégiens m’écrivait : « La presse alliée s’occupe aujourd’hui de la nécessité d’intervenir sur la côte Nord de la Russie (ou de la Finlande ? ) ; mais, autant que je puis le savoir, aucun journal n’a fait mention du fait que les plus importantes mines de fer de la Norvège, celles du Syd-Varanger[2], vers Kirkenœs, ne sont qu’à une cinquantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Petschenga. Or, la production westphalienne pouvant être prochainement très menacée par l’aviation alliée[3], n’est-il pas à craindre que les Allemands veuillent, un jour ou l’autre, substituer le Syd-Varanger à la Westphalie ? L’Allemagne n’a pas encore protesté contre la diminution des exportations des minerais norvégiens en Allemagne imposée par le traité conclu dernièrement entre la Norvège et les Alliés. Mais ne se réserve-t-elle pas d’utiliser cette circonstance pour justifier ultérieurement sa mainmise sur le Syd-Varanger, quand elle sera, sous le couvert de la Finlande, bien établie à Petschenga et dans les régions limitrophes ? — B. G… »

Rien de plus judicieux et de plus clairvoyant que ces réflexions. Je viens de dire que l’Allemagne s’était élevée, vers le 22 juillet, contre la diminution des exportations de minerais de fer suédois qui lui sont réservées. Assurément, si elle n’en use pas de même à Christiania qu’à Stockholm, c’est qu’elle pense bien « punir » la Norvège, — on sait qu’elle prétend « punir » qui s’oppose à ses desseins, même en usant d’un

  1. Nom officiel — « marche, frontière des Finnois, » — de la province du Lappland norvégien.
  2. Le nom de Syd-Varanger, — pays au sud du Varanger fjord, — s’applique à la fois à la contrée et au petit port qui est au fond du Bök fjord, embouchure du Paats Jok ou Fl. Paatsvick, lequel, sortant du lac Enare. sert de frontière sur la presque totalité de son cours entre la Norvège et la Finlande.
  3. Quelles clartés ceci jette sur « la guerre du fer » que, depuis longtemps, nous eussions pu faire à l’Allemagne !