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disant qu’il ne faut rien donner à la concupiscence. Elle jetait ainsi sa gourme sainte, si l’on peut dire. Elle venait de la folie mondaine, selon ses mots : avant d’aboutir à la sagesse, elle porta son humeur, sa fougue et même un peu de bizarrerie aux lieux où elle s’apaisera. Elle devint ensuite une religieuse des plus raisonnables. Quelques semaines après son entrée au couvent de la rue Saint-Antoine, elle reçut le saint habit ; l’année suivante, le 28 juillet, elle fit profession. Quatre ans plus tard, elle fut nommée maîtresse des novices. En 1647, avec d’autres sœurs, elle eut mission de réformer un monastère de la rue Saint-Honoré, qui allait à quelque désordre. Et, en 1651, lorsque les Visitandines fondèrent le monastère de Chaillot, sur le désir de la reine exilée d’Angleterre, elle y fut assistante de la Mère Hélène-Angélique Lhuillier, qui mourut et qu’elle remplaça peu après le mariage de son frère et de Mlle de La Vergne. Il y avait, dans sa vie religieuse, autant d’activité que de contemplation. Le monastère de Chaillot, tout saint qu’il fût, n’était pas absolument fermé au monde. L’on y verra la Mère Louise-Angélique assez souvent occupée, non à son gré, mais pour le bien des événements et des gens de la cour et de la ville. Comme elle devra s’entremettre, par exemple, — et avec une ingénuité parfaite, — dans les galanteries de Madame Henriette et du comte de Guiche, il n’est pas surprenant qu’elle ait eu l’initiative du mariage de son frère et d’une jeune personne avec qui elle était liée. Son frère, assez timide ; Mlle de La Vergne, que les hasards de la politique avaient écartée de la cour : ces deux êtres lui semblèrent avoir des analogies qui les pouvaient accorder. S’est-elle trompée ? On le verra.

Le mariage de Mlle de La Vergne et de haut et puissant seigneur messire François, comte de La Fayette, Naddes, Epinasse et autres lieux, fut célébré le 15 février 1655, environ deux mois et demi après que Mlle de La Vergne était rentrée à Paris, environ six semaines après que Mme de Sévigné, un peu nerveuse, écrivait à Madame Royale qu’elle attendait, pour aller retrouver son époux à Champiré, d’avoir donné quelque ordre à ses misérables affaires particulières. Mme d’Aiguillon, comme toutes les fois que la famille de La Vergne fut en cérémonie conjugale, signa sur le contrat de mariage. Loret, dans sa Gazette, ne manqua point de signaler ce mariage. Et il le fit, selon son usage, d’une façon qui a l’air de sous-entendre on ne