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brillant. Mais les oncles de ce jeune officier sont des gens de parti, fort occupés de leur idée et qui ne tolèrent pas la tiédeur. Ils auraient voulu trouver en leur neveu un auxiliaire : ils ont trouvé, sinon tout à fait un adversaire, au moins un garçon qui se réserve. Mais la famille de La Fayette n’était pas unanime à pousser l’intrigue, et les parents de Louise-Angélique et du jeune François de La Fayette souhaitaient de rester à l’écart ; même, leur abstention fut un peu singulière, quand il s’agit, pour la jeune fille, d’obtenir un avis et bientôt une permission, touchant son vœu d’entrer au couvent : ils ne répondirent pas. Un témoignage contemporain les accuse de pusillanimité : ils auraient craint de déplace soit au cardinal, soit au roi. Ils vivent dans la retraite, fort loin de la cour. En dehors de leurs intérêts particuliers, peut-être leurs opinions les ont-elles obligés à ne se point lancer dans une cabale. Les La Fayette avaient, depuis des siècles, une tradition de service fidèle au roi. Lors des guerres civiles, où les partis embrouillaient les convictions, ils s’étaient tenus au parti du roi. L’on peut croire que l’aventure de leur fille leur déplut ; mais ils étaient vieux et retirés : c’est probablement à leur fils que fut confié le soin de marquer leur mauvaise humeur. Seulement, ce jeune homme avait peu d’initiative contre ses oncles forcenés : et d’autant qu’il était de petite valeur.

Sur quelque médiocrité du comte François de La Fayette, il y a l’accord de tous ceux qui ont parlé de lui. Au moment de son mariage, les chroniqueurs, chansonniers, faiseurs de mots et de petits vers le dénigrent à l’envi. Une chanson ridiculisa la première entrevue qu’il eut avec Mlle de La Vergne : il y fui niais. Et, quand il sortit, la compagnie, d’un même ton, s’écria :

La sotte contenance !
Ah ! quelle heureuse chance
D’avoir un sot et benêt de mari
Tel que l’est celui-ci !

Et Mlle de La Vergne, qu’a-t-elle dit ? Elle a dit :

Qu’il paraissait si doux
Et d’un air fort honnête
Quoique peut-être bête,
Mais qu’après tout, pour elle, un tel mari
Était un bon parti.