Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/884

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Non, mes sœurs, l’amour de la vie n’aura jamais sur moi plus de pouvoir que le zèle de ma règle et de mes vœux. Souffrons tant qu’il plaira à Dieu plutôt que de manquer à l’obligation de la clôture où nous sommes engagées ; mourons même, s’il le faut, plutôt que de rien faire de contraire à la perfection de notre état. » Cependant, à la longue, elle dut céder aux prières de ses chères filles : elle fit, âgée, une sortie ; mais, comme son heure dernière approchait, elle voulut retourner au monastère. Le chemin difficile et son extrême faiblesse faisaient obstacle à son retour. Elle dit que « c’était principalement à la fin que la générosité devait paraître : » et elle mourut deux jours après s’être de nouveau mise dans sa clôture.

Voilà, en somme, la famille où entre Mlle de La Vergne : une famille bien échantillonnée des souvenirs, des ardeurs, des remuantes ambitions et des vertus de l’ancienne France. Mais l’homme qu’elle épouse n’en est pas le personnage le plus remarquable et n’en est pas le plus exactement connu. Il avait probablement une vingtaine d’années de plus que Mlle de La Vergne ; et il devait être à peu près de l’âge de La Rochefoucauld et de Ménage, nés tous deux la même année 1613. En effet, il a été mêlé aux intrigues de cour qui se formèrent autour de Mlle de La Fayette ; et il faut supposer qu’il avait alors, aux environs de 1637, un peu plus de vingt ans. On dit qu’à cette date il avait déjà servi en Hollande et qu’il ménageait sa carrière en ne déplaisant pas à Richelieu. L’aventure de sa sœur était pour le gêner. Toujours est-il qu’à la fin de décembre 1638, l’un de ses oncles, Philippe-Emmanuel de La Fayette, chevalier de Malte, et qui avait été, avec M. de Limoges et Mme de Sennecé, l’un des fauteurs de la cabale, écrivait à M. de Limoges : « J’ai entretenu mon neveu devant sa sœur… » Et ce dut être au parloir des Visitandines de la rue Saint-Antoine… « La tête lui fut lavée doucement et fortement. Je crois que c’est lessive perdue ; néanmoins il accepta les remèdes qu’on lui proposa pour vivre mieux à l’avenir. Je travaille par voies secrètes à le mettre mieux dans l’esprit de ceux avec lesquels il s’est mal conduit. Sa sœur négocie cela ; enfin, il faut essayer d’employer utilement tout le peu qu’il a de bon en lui. Je ne me rétracte pas du raisonnement que j’ai fait sur sa personne ; au contraire, j’y ferais encore des commentaires moins avantageux…  » A première vue, ce n’est pas