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toutes ces belles passions qui avaient si bien commencé et qui ont si mal fini ? Quelles bizarreries, quelles inégalités, quels dégoûts ont suivi les premières ferveurs !… »

Mlles de Saint-Ange et de La Tremblaye et l’auteur du Triomphe de l’indifférence voient de tout près la cour, comme l’a vue aussi Mlle de La Vergue. Et il y a l’air de la cour, dans ce petit roman, la mélancolie des amours élégantes et, quelques-unes, royales, si brillantes en leurs débuts, ornées de fêtes, puis terminées par la honte, ou l’exil1, ou très souvent la solitude religieuse : dans les couvents, que de larmes sempiternelles payaient de courtes félicités !… Parmi tant d’anecdotes, l’une allait plus que toutes les autres au cœur des sensibles jeunes filles : celle de Mme de La Fayette, que Louis XIII avait aimée et qui, chez les Visitandines, était la mère Louise-Angélique. Douce victime de l’amour, et sans avoir commis nulle faute, nulle imprudence même, hormis l’imprudence d’aimer ! L’auteur du Triomphe de l’indifférence fait allusion à elle, vante sa vertu, son mérite si rare, et plaint son infortune. Mlle de La Tremblaye avoue qu’on est très malheureuse, si l’on aime en un lieu inaccessible. Et Mlle de Saint-Ange : « La pauvre La Fayette en est une triste preuve. — Je ne me souviens jamais de cette fille, reprend Mlle de La Tremblaye, qu’avec une extrême douleur ! » Du reste, l’aventure de Mlle de La Fayette est déguisée, comme voilée, dans le Triomphe de l’indifférence. Mlle de La Fayette y devient une personne inventée, qui aurait vécu au commencement du XVe siècle, fille d’honneur de Catherine de France, reine d’Angleterre, et amoureuse non du Roi, mais de ce bel Owen Tudor, l’amant de la Reine. C’est un épisode ajouté au drame de l’histoire ; l’amour y fait trois victimes : « Catherine de France, qui aimait Tudor et qui en fut aimée avec toute la passion dont un cœur est capable, quoiqu’elle n’eût rien à souffrir du côté de La Fayette, était tourmentée, puisqu’elle était aimée de Tudor jusqu’à la fureur. Que ne souffrit-elle pas ? Jamais d’amour plus doux et plus cruel en même temps que celui de cette pauvre princesse ! Si La Fayette avait pu pénétrer dans le cœur de son amant et dans celui de sa rivale, qu’elle aurait eu lieu de se consoler de ses maux ! et, si elle avait pu prévoir la mort funeste que leur amour leur attira, il est à croire que le moment si court de leur félicité ne lui aurait pas donné la mort… » C’est une autre