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Reyz était arrivé à Belle-Isle le 16 août : le 22 septembre, il part, en tapinois ; et l’on sait la suite de son histoire. Sévigné demeure à Belle-Isle, dans la situation la plus fâcheuse. Entre temps, Mlle de La Vergne a fait un séjour à Brissac, auprès de la duchesse de Brissac, non loin d’Angers, pendant que le duc était à Belle-Isle et tandis que Mme de Sévigné se remuait fort, tâchant d’arranger les affaires de son mari. Le 1er octobre, la mère et la fille sont à Angers, où Mme de Sévigné est venue quérir sa fille, et où son inquiétude est grande. Voici ce que nous apprenons par la lettre de Mlle de La Vergne à Ménage. Une déclaration de la cour oblige « tous les gentilshommes qui ont assisté à la sortie du cardinal de Retz, » — et, pour Sévigné, ce n’est pas trop dire, — « à venir faire un nouveau serment de fidélité. » Or, Sévigné est à Belle-Isle ; entre l’ile et le continent, les passages sont « entièrement bouchés : » de sorte que Sévigné ne sait même pas ce que la cour attend de lui. Mme de Sévigné s’occupe de lui communiquer les ordres de la cour et de lui obtenir un passeport, afin qu’il rentre à Champiré. Ce n’est pas facile ; et d’abord il faudrait la bonne volonté du maréchal de La Meilleraye, lequel a cessé d’être bon homme. La situation du chevalier de Sévigné n’est pas drôle. Et Retz, qui l’y a mis, note : « Le chevalier de Sévigné, homme de cœur, mais intéressé, craignait qu’on ne lui rasât sa maison… « Il ajoute que c’est « par amour pour lui » que Sévigné court de tels risques ; il assure qu’il avait quelque « impatience » de le voir tiré d’ennui : mais il l’a laissé à Belle-Isle.

Les deux femmes n’ont précisément rien à redouter pour elles. Mlle de La Vergne le dit à Ménage : elles n’ont pas eu « ordre de sortir de Paris ; » elles y retourneraient, s’il leur plaisait, de sorte que Ménage est prié de ne parler d’elles et de leur sort ni à M. Servien ni à d’autres personnages influents. Et Mlle de La Vergne, au 1er octobre, marque bien sa tranquillité en chargeant Ménage de lui commander, chez un bon graveur, de jolies empreintes de cachets  : il les choisira et les fera graver sur de l’argent. Bref, il n’est pas question de quitter l’Anjou. Puis, au retour de son voyage à Brissac, Mlle de La Vergne tombe malade : la fièvre et le point de côté. Elle écrit à Ménage, le 29 novembre : « Nous partirons dans trois semaines pour Paris, ma mauvaise santé nous obligeant à aller plus tôt que nous ne l’avions résolu aux lieux où l’on peut espérer du