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équipage et de partir pour Rome ; à quelles fins ? Sévigné, s’il le sait, ne le dit pas. Mais il annonce que le cardinal passera par les États de Son Altesse Royale de Savoie. Or, la Savoie était en difficultés avec la cour de France : et, partout où il y avait des difficultés, Retz trouvait son profit. Sévigné, dès lors, prépare la, bonne volonté de la Savoie à l’endroit du cardinal : « S’il était en la place de l’Eminentissime… » c’est Mazarin… « les États de S. A. R. Monsieur votre fils n’auraient pas été outragés comme ils l’ont été… » Avis à la cour de Savoie, qui doit connaître ses amis. Et, patriote, Sévigné recourt à l’étranger : c’est le malheur des temps, c’est une folie ancienne.

Mlle de La Vergne, au milieu de ces péripéties, que devient-elle ? Sans doute reçoit-elle le contre-coup33 des événements, qui ne sont pas destinés à elle et où elle ne se mêle pas. La voici, par les soins ou par l’imprudence de sa mère, mêlée à l’aventure. Au château de Nantes, sous la garde du maréchal de La Meilleraye, le cardinal de Retz avait la vie très agréable : « On ne pouvait, dit-il, rien ajouter à la civilité avec laquelle il me3 garda. » A dire vrai, c’est un peu plus que de la civilité : une extrême complaisance. Le prisonnier recevait maintes visites, car tout le monde s’empressait à le voir et il aimait à être vu. Le maréchal lui procurait « tous les divertissements possibles » et, presque chaque soir, lui offrait la comédie : « toutes les dames de la ville s’y trouvaient et elles y soupaient souvent. » Mme de Sévigné ne manqua point à ce rendez-vous si attrayant. « Elle me vint voir et amena Mlle de La Vergne, sa fille, qui est présentement Mme de La Fayette. Mlle de La Vergne était fort jolie et fort aimable et elle avait, de plus, beaucoup d’air de Mme de Lesdiguières. Elle me plut beaucoup. La vérité est que je ne lui plus guère, soit qu’elle n’eût pas d’inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son beau-père lui avaient donnée dès Paris, même avec application, de mes inconstances et de mes différentes amours la missent en garde contre moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité qui m’était assez naturelle ; et la liberté que M. le maréchal de La Meilleraye me laissait avec les dames de la ville, qui était à la vérité très entière, m’était d’un fort grand soulagement. » Il a bien l’air d’avoir mené gaillardement son entreprise. Les « cruautés » qu’il a subies sont l’aveu, et qui ne lui coûte guère, de ses prétentions déclarées ; la consolation que lui offrent tant