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que par la surprise et, si j’ose dire, à l’esbroufe. La surprise ne fut guère possible que deux ou trois jours, quatre au plus. L’arrivée du VIIe corps, survenant dans toute l’ivresse de son triomphe de Maubeuge, celle de l’Armée Heeringen, jetée au secours de Bülow et de Kluck allaient augmenter d’un tiers les forces de l’ennemi. Par surcroît, quatre jours, dans un pays aussi accidenté, suffisaient pour rendre, même par une fortification hâtive, le massif difficile à enlever, alors que, la traversée du plateau oriental à son extrémité est par Maud’huy, la marche rapide des corps de Maunoury presque jusqu’au rebord Nord-Ouest du plateau occidental, montraient que, les pentes enlevées, on n’eût, dans les trois premiers jours, trouvé aucune fortification capable d’arrêter nos soldats.

L’extrême prudence du maréchal anglais, placé au centre du dispositif, parfaitement excusable lorsqu’on songe aux pertes qu’il avait faites et à l’impossibilité où il était de les combler, gênait par ailleurs le mouvement en avant. En vain, à maintes reprises, Lamaze à sa gauche, Maud’huy à sa droite firent appel à son appui. Persuadé, comme Joffre, que la falaise de l’Aisne ne « s’enlevait pas, » il affirmait avoir confiance dans le mouvement tournant de l’Ouest, estimant, peut-être avec raison, qu’il était dès lors inutile de sacrifier des hommes pour escalader une formidable position qui, tournée, tomberait d’elle-même : il était là pour fixer l’ennemi, sonder ses intentions de résistance ou de retraite, sauter sur ses derrières quand, se sentant tourné, il tenterait de se retirer. Cette attitude empêchait Lamaze, en assaillant avec succès les hauteurs au Nord de Cuffies et Crouy, de forcer le fameux couloir qui, de Soissons, par Laffaux, Vauxaillon et La Malmaison, mène à Laon, et, d’autre part, ne permettait guère à Maud’huy de pousser au-delà de l’Ailette ses heureux assauts.

Lorsque, pour diverses raisons, on eut perdu du temps, laissant l’ennemi grossir, son armée et organiser sa position, on se trouva par surcroit impuissant à l’y forcer parce que, pourvu d’une artillerie à longue portée, l’Allemand n’en trouvait pas une en face de lui, capable d’atteindre ses batteries et d’éteindre son feu. De l’Oise à Reims, ce sera constamment la même lamentation : l’artillerie écrasante des Allemands semait, avec la mort, nous le savons par l’aveu d’un vaillant chef, « le découragement. » Que fût-ce quand, à notre artillerie de