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allemandes considérables s’accumulaient ; au XIIe corps qui tenait en face de Craonne, le XVe s’était joint qui venait de Lorraine, et, de Berry à Reims, on avait en face de soi, avec la Garde, le Xe de réserve et le Xe corps. Enfin, de toutes parts, nos gens se plaignaient d’être, sans qu’on pût étendre son feu faute de pièces à longue portée, décimés par l’artillerie lourde ennemie. Le 1er corps, « coincé » entre l’éperon de Craonne et la crête organisée du Choléra, allait par surcroît se trouver en face de forces imposantes. Tout ce que pourraient faire les 18e et 1er corps serait de résister à des attaques imminentes : les Anglais prévenaient que de fortes colonnes allemandes étaient en marche entre Chamouille et Vendresse et, à leur tour, demandaient l’appui de Maud’huy.

L’attaque se produisit, en effet, extrêmement violente, le 19, de dix heures à onze heures trente, sur le front de la Creute-Hurtebise. Le général de Maud’huy, de la tour de Paissy, dirigea la résistance qui fut magnifique et rejeta les Allemands sur l’Ailette. « Nos troupes, écrit ce jour-là un officier allemand, souffrent énormément de la faim, du climat et du combat. Il ne reste plus d’officiers. » C’est sans doute ce sanglant échec qui, provoquant la colère de l’ennemi déçu, condamnait Reims au plus violent bombardement que la noble cité eût encore subi. Tandis que les soldats de Maud’huy continuaient à bivouaquer sur le Chemin des Dames, ils pouvaient voir derrière eux, dans la plaine, s’élever une énorme lueur : la cathédrale sciemment incendiée flambait, rançon de leur succès. Mais dans ce ciel rougi, les ombres des héros qui y avaient paru, de Clovis à Jeanne d’Arc, criaient à tous de tenir bon.

Le conseil était écouté. La journée du 20 fut une de celles qui honorèrent la 5e armée, et le vaillant 18e entre tous.

Il ne fallait plus maintenant que tenir, tenir à tout prix, pour que la manœuvre de l’Ouest fût possible. Mais le 20, Maud’huy était attaqué avec une violence sans précédent, de l’aube au soir. Contre lui, deux corps allemands se déchaînèrent. Sous la poussée, trois fois notre ligne recula, trois fois elle se reforma sur l’isthme d’Hurtebise. A seize heures, les Allemands reprirent encore pied sur le Chemin des Dames ; les nôtres se replièrent jusqu’à l’arbre de Paissy où jadis s’était adossé Napoléon ; mais, relancés à l’assaut, ils reprirent les positions, l’isthme, la ferme en ruines, le monument écroulé.