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plan de Joffre et l’expectative de French qui, entre Soissons et Paissy, attend, avant de donner l’assaut, que Maunoury ait largement tourné la position.

Le malheur est qu’on avait perdu trois jours, et trois jours dans de pareilles circonstances valaient trois mois. Ce n’était pas tant parce que, dans ces trois jours, l’ennemi se pouvait fortifier par ses travaux : il n’en était guère dans la vallée de l’Oise ; mais la capitulation de Maubeuge, nous l’avons dit, en libérant un magnifique corps allemand, d’une part, et, de l’autre, l’accalmie sur les fronts lorrains, en permettant à Moltke de prélever une de ses armées de l’Est et de la jeter vers l’Aisne et l’Oise, procuraient aux armées fatiguées de Kluck et Bülow un renfort tel qu’il devait suffire à tout arrêter. L’événement était prévu puisque, dès le 11, en incitant Maunoury à se détourner du plateau « où il lui serait difficile d’attaquer de front » et en lui prescrivant de jeter « le plus tôt possible des forces » sur « la rive droite de l’Oise pour déborder l’aile droite ennemie », Joffre ajoutait « qu’on devait craindre de voir avant peu de nouveaux corps allemands intervenir à l’extrême droite de Klück Le 13e corps serait tout disposé à appuyer votre action contre ces derniers », concluait-il. Sans doute Maunoury avait-il montré de la sagesse en ne voulant pas laisser sur sa droite l’ennemi installé sur le plateau. Balayer celui-ci jusqu’à Carlepont, avant de marcher sur Noyon, lui avait paru aussi nécessaire qu’à d’Esperey de faire saisir le plateau de Craonne par Maud’huy, avant de déboucher dans la plaine à l’Est. Mais il est des heures où, fort immoralement, la sagesse coûte cher. Il fallait de la hardiesse. Aussi le 16 au soir, le général en chef pressait-il plus vivement encore la 6e armée, « de qui dépendait actuellement le sort de la bataille engagée, » de se servir du 13e corps avec vigueur : il fallait qu’il marchât sur Noyon, sur Guiscard, sur Vilquier-Aumont : ainsi tomberaient d’elles-mêmes les positions allemandes de Carlepont-Cuts, largement tournées, et le reste des plateaux. « La présence du 13e corps dans cette région aura sans doute pour la décision de la bataille plus de valeur qu’une intervention immédiate. » Le corps de cavalerie Conneau, alors à la oc armée, était appelé à Compiègne et mis à la disposition de Maunoury. Il fallait donc que, derrière le 13e corps, une partie de l’armée Maunoury s’engageât. Le 7e corps pouvait, dans cet ordre d’idées, être porté sur la