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de l’avant. Déjà Maud’huy s’apprêtait à agir dans la trouée entre Craonne et Prouvais, lorsque Craonne même, attaqué violemment, défendu avec acharnement par un bataillon du 144e, bientôt écrasé par l’artillerie lourde, dut être abandonné. L’opération sur Prouvais était, de ce fait, derechef compromise. Il fallait pour qu’elle se fît avec succès reprendre auparavant Craonne et Corbeny : la brigade Passaga fut chargée de cette mission. On demanda l’aide des Anglais. Le Maréchal déclina l’invitation ; on sait pour quelles raisons : tandis que Maud’huy préparait, en dépit de ce refus, l’attaque qui permettait d’élargir à l’Est du massif l’action de la 5e armée, French attendait des opérations de Maunoury un résultat qui le dispenserait d’engager ses corps en une action, forcément meurtrière, sur la muraille méridionale de l’énorme forteresse.


III. — LA CONTRE-OFFENSIVE ALLEMANDE (17-21 SEPTEMBRE).

On peut dire sans trop d’exagération que, le 17 au matin, le sort de l’énorme bataille engagée entre Noyon et Reims, sur un front de plus de 25 lieues, par trois armées, tient au succès de son extrême aile gauche, en l’espèce le seul 13e corps ; si celui-ci, délibérément jeté dans la vallée de l’Oise, enlève, le 17, Noyon, et marche hardiment sur Saint-Quentin, l’Allemand sera contraint d’abandonner l’extrême bord du plateau occidental de l’Aisne : car, maîtres de Noyon, à plus forte raison de Saint-Quentin, nous pouvons tourner le plateau occidental par la rive droite, de Noyon à la Fère. À cette époque où il n’y a pas de « ligne Hindenburg », l’abandon du plateau occidental entraine à peu près fatalement pour les Allemands celui du massif de Saint-Gobain ; mais, s’ils abandonnent Saint-Gobain, il leur est bien difficile de se maintenir sans grave danger sur le plateau oriental. Il leur faut se replier sur Laon, et encore Laon même sera-t-il, par la Fère, menacé d’enveloppement et c’est toute la forteresse, — le donjon compris, — qu’il faudra que Bülow, après Klück, abandonne. Dès lors, d’Esperey pourra hardiment jeter ses corps vers le Nord de l’Aisne où il est peu croyable qu’ils rencontrent, même dans le camp de Sissonne et la plaine de Laon, la résistance que, le 16, l’ennemi lui oppose de Corbeny à Guîgnicourt. Ainsi se justifieraient le