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pour 40 pour 100 des colonies françaises. Quant aux minerais de fer phosphoreux, il leur resterait les minerais importés de Suède et ceux lires de leur propre sol. Si on fait le calcul, on voit qu’ils seraient réduits à 325 000 tonnes d’acide phosphorique, soit le tiers de leurs besoins. On peut ajouter que nous sommes également en mesure d’exercer une action très efficace sur leur ravitaillement en acide sulfurique, nécessaire pour la transformation en superphosphates, à la condition de limiter les fournitures de pyrites norvégiennes et suédoises destinées à l’Allemagne. Cette disette serait particulièrement grave si l’Allemagne prétendait, question que nous avons laissée de côté ici, développer son agriculture jusqu’à rendre son ravitaillement alimentaire indépendant de l’étranger. La principale difficulté que l’on aperçoit ici pour réaliser ce blocus de l’Allemagne, c’est l’existence de grands gisements phosphatés en Russie : gisements fort peu utilisés, mais que les Centraux pourraient d’ici quelques années réussir à mettre en valeur.


Ces considérations et ces calculs auront suffi, je pense, pour montrer la valeur de l’arme économique que les Alliés tiennent en mains et qui peut leur permettre de ruiner l’échafaudage de combinaisons artificielles, sur lequel nos ennemis avaient édifié leur fortune. Si nous savons en user, si nous et nos amis faisons tous les sacrifices nécessaires pour rendre notre entente durable, nous possédons là un moyen d’assurer la paix future et le développement de l’humanité, beaucoup plus certain que toutes les conventions et tous les traités. Dans les cas où la France peut exercer une action déterminante (fer, nickel et phosphates), il dépend de nous de donner l’exemple. Dans la plupart des autres, nous devons compter sur le sens des réalités que la vision horrible de la guerre, telle qu’elle nous est faite, accentue progressivement chez nos alliés.


L. DE LAUNAY.