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corps gras des noix, des marrons d’Inde, des noyaux de fruits, des algues ; on a récupéré la graisse des eaux d’égout et des cadavres d’animaux ; on a obtenu quelques corps gras minéraux en Galicie et en Roumanie.

Après la guerre, nous ne pourrons sans doute empêcher les neutres, qui étaient les principaux fournisseurs de matières grasses alimentaires, de reprendre leur commerce ; mais, pour les graines oléagineuses, l’Angleterre et la France peuvent aisément se réserver un monopole.

Si, après les produits végétaux, nous abordons maintenant le monde minéral, je rappelle seulement en deux mois ce que j’ai dit autrefois ici pour le fer. Tout dépend de la destinée du bassin lorrain. Admettons qu’il passe tout entier entre nos mains, nous aurons là une arme formidable, qui doit non seulement nous permettre de prendre en sidérurgie le rôle attribué jusqu’ici à l’Allemagne, mais qui, point vital, constituera la plus sûre mesure défensive contre une nouvelle agression des Allemands. Ici nous ne dépendons que de nous-mêmes et nous n’avons pas à négocier avec nos alliés pour obtenir leur intervention. La France va dominer le marché des minerais de fer européens, avec une production qui sera déjà, aux taux d’avant-guerre, pour le seul bassin lorrain, le cinquième de la production mondiale et qui est susceptible de s’accroître presque dans la mesure où nous le désirerons. L’Allemagne, au contraire, perdra la région minière qui alimentait avant tout sa métallurgie, et ce ne sont ni ses minerais de Siegen, ni ceux qu’elle pourra tirer de la Suède et de l’Espagne qui lui permettront de conserver sur son pied actuel son industrie de paix et de guerre. Avec une substance d’aussi faible valeur que le minerai de fer, les pays exotiques n’ont aucun rôle à jouer pour combler ce vide, quelles que soient, d’ailleurs, chez certains d’entre eux, les immenses ressources en minerais ; et il n’a pas encore été question, même en Allemagne, de trouver au fer des succédanés.

Pour beaucoup d’autres métaux, on connaît les manœuvres habiles par lesquelles l’Allemagne s’était-assuré ou allait bientôt conquérir le marché européen, même quand elle ne produisait elle-même à peu près rien. Le rôle de sa Metall-Gesellschaft est assez fameux, et l’on se rappelle comment cette société s’était, par exemple, assuré pour plusieurs années le zinc d’Australie.