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assez proche, il est permis de concevoir que le développement de la consommation aux États-Unis et l’exportation nord-américaine vers l’Amérique du Sud viendront aisément reprendre les marchandises que plusieurs années de guerre auront déjà habitué à ne plus faire passer par l’Allemagne. La consommation mondiale restant la même, le fait que les Allemands ne joueront plus le rôle d’intermédiaires ne doit finalement rien changer aux débouchés.

Pour la laine, la situation des Alliés est également favorable, sans que les Centraux soient réduits à la même impuissance. On peut grouper de la manière suivante les chiffres relatifs à la production de laine en 1913 : Nations ayant rompu avec l’Allemagne ; 950 000 tonnes ; Centraux, Neutres, Russie et Roumanie : 500 000 tonnes. Sur ces chiffres, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie fournissent seulement 30 000 tonnes contre 54 000 pour l’Angleterre, 35 500 pour la France. La production de l’Australie représente près de 500 000 tonnes ; celle de l’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Uruguay, Chili) fournit 263 000 tonnes, dont 188 000 pour l’Argentine ; la Russie 145 000 ; l’Afrique (colonie du Cap, Algérie, Maroc) 72 000. Quant aux broches de filature, les Alliés en comptaient, défalcation faite de la Russie, environ 15,4 millions et les Centraux 6 millions. Envisageons d’abord comment nous pourrons satisfaire à nos propres besoins, ensuite ce que nous pourrons organiser contre l’Allemagne.

L’industrie lainière française a tout particulièrement souffert de l’invasion et aura un besoin spécial d’être protégée par des mesures de répression, si nous ne voulons pas que sa ruine soit définitive. La France comptait, avant la guerre, environ 3,2 millions de broches contre 5,2 en Allemagne. Mais les centres de Roubaix, de Fourmies, du Cambrésis, de Reims, de Sedan, qui produisaient près des quatre cinquièmes de la production française en fils et tissus de laine, ont été détruits ou immobilisés. Si on laisse de côté les installations de fortune faites depuis la guerre, on estime qu’il fonctionne au plus 6 pour 100 des broches de filature de laine peignée et 50 pour 100 des filatures de laine cardée. 80 p. 100 de nos métiers à tisser sont dans les régions envahies ou sous le feu de l’ennemi. Or, nos exportations de laine peignée montaient à 25 000 tonnes, valant 150 millions de francs. D’autre part, on estime à