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cas, a-t-il dit, il pourrait être impossible d’admettre l’Allemagne aux libres rapports économiques qui doivent inévitablement sortir des autres associations pour une véritable paix. » Toutes les mesures prises dans la suite par le gouvernement américain montrent sa décision de poursuivre la lutte jusqu’à ce résultat définitif qui doit empêcher son renouvellement futur. Il suffit de citer la loi Palmer du 14 mars 1918, par laquelle le Sénat américain a autorisé le gouvernement à saisir tous les biens possédés ou contrôlés par les Allemands aux États-Unis. On sait, en outre, que les États-Unis ont déjà eu l’occasion, avant la guerre, d’appliquer un protectionnisme intensif : ils n’ont pas, à cet égard, à remonter un courant d’opinion et d’habitude comme en Angleterre. Séparés de l’Allemagne par toute la largeur de l’Océan, ils n’en attendaient que des marchandises, dont ils auront tout intérêt à se passer en les fabriquant eux-mêmes, comme ils sont parfaitement en mesure de le faire.

La Grande-Bretagne possède également, dans ses colonies, le monopole ou la prédominance pour certaines substances dont l’Allemagne ne peut se passer si elle veut continuer son commerce d’exportation. Il suffit de citer le coton, la laine, le caoutchouc, les graines oléagineuses, l’étain, le nickel, etc. Elle était, avant la guerre, tout particulièrement visée par l’invasion du commerce allemand, qui venait, dans le monde entier, refouler son propre commerce avec des marchandises, pour lesquelles bien souvent la matière première était anglaise. La riposte apparaît donc tout indiquée. Cependant les conditions de la lutte ne sont pas tout à fait aussi simples que pour les États-Unis, par le fait que la Grande-Bretagne a toujours été libre-échangiste et aussi parce que les Dominions ont, chacun pour sa part, à y intervenir. Avant la guerre, le lien des Dominions avec la mère patrie pouvait paraître un peu flottant. Il y avait parfois concurrence directe entre les industries naissantes des colonies et celles de la métropole, elle-même tributaire de ses colonies pour les matières premières. Une des nombreuses erreurs psychologiques commises par les Allemands a été de s’imaginer que ce lien se relâcherait jusqu’à se rompre. Il a été, au contraire, resserré par la guerre au point de sembler maintenant indissoluble ; et l’idée d’une vaste Union douanière pan-britannique a fait un chemin rapide.