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quelle différence entre le temps où nous comptions, dans notre camp, l’immense Russie avec la Roumanie et la situation actuelle ! Ce sont des ressources énormes en céréales, en pétrole, en minerais de fer, de manganèse, en or, en platine, en phosphates, etc… qui ont passé d’un camp à l’autre. Quand on cherche à prévoir les résolutions de nos alliés militairement les plus solides, il s’en faut que leurs dispositions économiques nous inspirent une complète assurance. Évidemment, l’Angleterre a fait des pas de géant dans la voie des frontières fermées aux Allemands et du boycottage économique. Mais jusqu’à quel point cette mentalité de guerre survivra-t-elle à la guerre, ou subira-t-elle la contre-attaque du vieil esprit libre-échangiste. Et, si l’union des Dominions prend la force d’une association douanière, dans quelle mesure le sang versé en commun sur tant de champs de bataille nous assurera-t-il le droit de participer à cette « concentration ?… « Il en est de même des États-Unis, où le brassage des considérations philosophiques, des intérêts matériels multiples et discordants, des vieilles sympathies et hostilités, de l’ancienne indifférence aux conflits européens et du nouvel impérialisme aboutit à des résultats dont le déroulement confus nous surprend si souvent, tantôt avec satisfaction, tantôt avec quelque inquiétude. Quelle sera l’attitude finale de l’Amérique du Sud et celle du Japon, toujours sur ce même terrain des relations commerciales ?… On est si nombreux sur notre côté du front qu’il en résulte des combinaisons pareilles à celles de l’échiquier, où l’on ne déplace pas un pion, sans qu’il risque d’en résulter un peu plus tard la prise d’un cavalier, d’une tour ou d’une dame…

Et, cependant, malgré ces réserves nécessaires, l’intérêt de rester unis jusqu’au bout est tellement fort ; il va se trouver encore tellement accru par l’expansion germanique vers l’Est à travers l’émiettement de la Russie, que l’on veut, que l’on doit avoir foi dans la solidité inébranlable du bloc occidental.

C’est avec la conviction de cette bonne volonté et de cette union persistantes que nous allons étudier ce problème des matières premières, à la fois en ce qui concerne nos propres besoins et en ce qui touche nos possibilités d’action sur l’Allemagne. Nous commencerons par envisager les moyens généraux qui peuvent permettre de continuer cette sorte de blocus économique dans la première période de l’après-guerre. Nous