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enlevé Reims. Poussant son avant-garde sur Soissons, le général russe Tchernitchef avait trouvé la ville évacuée et Winzingerode y était entré le même jour. Il est vrai que, persuadé que tout allait se terminer sous Paris, il l’avait évacuée à son tour le 16 pour installer son quartier général à Reims. Soissons avait alors été réoccupé par une petite garnison française. Mais un corps franc ennemi, le corps Geismar, ayant, le 26, occupé brusquement Noyon et Chauny, et la Fère ayant été, le 27, enlevée par le général Thumen, le massif de l’Aisne paraissait tout entier entre les mains des coalisés, l’encadrant par Rethel, Reims, la Fère et Noyon. C’est sur ces entrefaites que Blücher appelait, avec l’autorisation des souverains coalisés, les corps Bülow et Winzingerode, à le rejoindre devant Paris.

Le feld-maréchal prussien, — persuadé que Napoléon était entraîné et comme enchaîné par la retraite même de l’armée Schwarzenberg, — avait, en effet, délibérément marché sur Paris, que couvraient seuls les deux faibles corps de Marmont et de Mortier. Dans la nuit du 27 au 28, il avait traversé la Seine à la Ferté-sous-Jouarre et porté ses divisions sur la rive gauche de I’Ourcq, qu’il comptait franchir facilement. A la vérité, les deux maréchaux s’étaient, à Lizy, opposés à son passage, et Marmont se portait à May à la rencontre des Prussiens, quand le feld-maréchal apprit que, tenu en échec par les lieutenants de l’Empereur sur son front, il était menacé d’être attaqué sur ses derrières, — et par qui ? Par Napoléon lui-même.

Celui-ci, dès qu’il avait eu vent de la marche de Blücher sur Paris, avait délibérément abandonné la poursuite de Schwarzenberg. Laissant 40 000 hommes à Macdonald pour contenir celui-ci derrière l’Aube, il avait quitté Troyes et, à la tête d’une armée de 35 000 hommes, couru droit à la Marne ; Victor, avec les deux divisions de jeune-garde Charpentier et Boyer de Rebeval, Ney avec deux autres (Meunier et Curial) et la brigade d’Espagne Pierre Boyer, Friant avec la vieille garde, la division du duc de Padoue, enfin Belliard et Grouchy avec 6000 cavaliers de la Garde et dragons d’Espagne constituaient cette petite armée. Le 2 mars, Napoléon était à la Ferté-sous-Jouarre.

Blücher, s’il délibérait vingt-quatre heures, était pris entre deux feux. Ainsi que devait le faire, en 1914, Klück, pris entre Maunoury, French et d’Esperey, il ne songea qu’à une