Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/628

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apparaissait à la nation : c’est le chef qui, dès le milieu de février, va pouvoir s’écrier : « Cent mille hommes et moi, cela fait 200 000 ; » l’homme aux décisions promptes, aux infatigables combinaisons, à la forme direction. Seul le nombre lui manque ; mais, dès la fin de janvier, il compte remédier à l’infériorité des effectifs par la supériorité du génie chez lui, de la valeur chez les Français. La nation, — tardivement, mais ardemment, — a répondu à son appel. Rien ne semble perdu s’il est là. Et il ne désespère point de rejeter sur la Meuse, puis sur le Rhin, les armées de la Coalition déconfites.

On sait comment, se jetant d’abord sur Blücher, il l’a accroché à Brienne le 27 janvier, tenu en échec à la Rothière le 1er février, a presque anéanti à Champaubert, le 10, le corps Olsufjew, battu les corps York et Sacken à Montmirail le 11 et rejeté derrière l’Ourcq, le 12, ces corps désemparés, chargé le 14, à Vauchamps, le feld-maréchal lui-même, enfoncé, bousculé son armée, et ne perdant que 600 hommes, tué, blessé, pris 6 000 Prussiens ; comment, se retournant contre l’armée de Schwarzenberg qui, descendant la Seine, menaçait Paris, il a, par un simple geste, figé sur ses positions la grande armée alliée, puis, en refoulant les avant-gardes de Fontainebleau, Provins, Montereau, reconduit dans sa retraite jusqu’à Troyes le feld-maréchal autrichien si effrayé, que, le 23, celui-ci se dérobe dans une nouvelle retraite, 150 000 hommes refusant le combat à 70 000 ; comment enfin, le 25 février, les souverains et généraux alliés assemblés en un conseil de guerre à Bar-sur-Aube ont délibéré de regagner le Rhin. C’est alors que l’armée Schwarzenberg, se retirant tout au moins sur Langres, Blücher, plus audacieux, — le « général Vorwaerts, » — franchissait l’Aube et, pensant enlever Paris d’un coup de main, pendant que Napoléon poursuivrait Schwarzenberg, se jetait, à destination de la capitale, sur la grand’route de Coulommiers, le 24 février.

Il n’avait que 48 000 hommes ; mais il appelait à lui le corps russo-prussien Bülow (30 000), le corps russe de Winzingerode (36 000) qui, en ce moment même, opéraient dans les vallées de l’Oise et de l’Aisne. Ç’avait été pour eux campagne sans grand mérite, tout leur semblant livré des Ardennes à l’Oise ; Bülow, venant de Mons, occupait ce jour-là même (24 février) la forte position de Laon démunie de troupes. Par ailleurs, les Cosaques de Winzingerode, arrivant de Rethel, avaient, dès le 6,