Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

castellum, où il laissa Quintus T. Sabinus avec six cohortes (environ 3 000 hommes). Une bulle, — celle qui aujourd’hui s’étend de la ferme du Choléra à la ferme de Mauchamp, — lui paraissait fort propre à porter un beau camp. Car, couverte par l’Aisne au Sud, elle l’est au Nord et à l’Ouest, nous l’avons vu, par le petit ruisseau marécageux de la Miette qui court de Juvincourt vers l’Aisne. Le camp lui-même fut établi à l’extrémité orientale de la longue bulle, où s’est conservé le nom de Camp de César (notre 287e de ligne l’assaillera, avant tant d’autres, le 14 septembre 1914) ; César le fit entourer d’un retranchement de 12 pieds et d’un fossé de 22 et flanquer du côté de l’Aisne d’un redan, — autre castellum. Là il attendit que la diversion des alliés à l’Ouest du massif produisît son effet.

Cependant il importait que Bibrax, sur le flanc Est, ne succombât point ; car les Barbares pouvaient dès lors, de leur côté, y attendre l’attaque des Romains, ce qui eût indéfiniment prolongé la situation. Or, la ville, serrée de près, appelait à l’aide ; résolu à ne pas engager son armée dans une aventure, le proconsul se contenta d’y jeter un gros d’archers Numides, entendant garder pour une bataille possible ses solides légions. Ces indigènes d’Afrique firent si bonne besogne sous les murs de Bibrax, que les Barbares, désespérant de réduire la ville, dévalèrent soudain en plaine où ils vinrent à leur tour ; à 2 000 pas (environ 13 kilomètres) de celui de César, établir leur front de bataille qui semble avoir été énorme[1].

Le camp des Belges était, — on ne peut en douter, — sur le petit massif où s’élève la Ville-aux-Bois, que devait enlever, le 16 septembre 1914, le 18e de ligne, du corps Maud’huy. Les Barbares alors déployèrent leur armée au Nord de la Miette et semblèrent attendre les Romains. Mais César était patient : audacieux dans ses conceptions, il était souvent assez prudent, le cas échéant, pour s’exposer au reproche de pusillanimité ou

  1. Nous savons toute cette histoire par le général lui-même, porté naturellement, après victoire, à grossir le mérite avec le péril ; on a émis l’hypothèse que les chapitres des Commentaires pouvaient bien être, sinon des Communiqués, au moins des Bulletins de l’Armée des Gaules, fort analogues à ceux de Napoléon, expédiés aux amis de Rome et par eux répandus, ce qui expliquerait la rapidité étonnante avec laquelle, six ans plus tard, César put écrire son admirable chronique. En ce cas, il faut faire la part de ce que nous appelons le battage. Napoléon écrivait, le 10 février 1814, à Joseph : « Les journaux ne sont pas l’histoire, pas plus que les Bulletins ne sont l’histoire »