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de frondeurs enrôlés en Afrique et dans les Baléares et allait bientôt voir les escadrons de cavalerie légère numide s’ébattre aux côtés des solides corps de cavalerie d’Aurunculeius Cotta. Cette question d’effectifs réglée, il disposait de 50 000 hommes environ, ce qui était peu encore en face des 250 000 Barbares que lui dénonçait son service de renseignements. Mais le chef était César et ces 50 000 hommes, c’étaient les légions de Rome.

La guerre pouvait être d’autant plus scabreuse que les Belges occupaient par tous les côtés le massif de l’Aisne ; les Bellovaques à l’Ouest, les Suessions au Sud, les Rémois à l’Est en tenaient les fronts. De la région de la Saône où il avait reconstitué son armée, le proconsul avait l’œil fixé sur cette énorme forteresse naturelle qu’il allait falloir, avant toutes choses, faire tomber, — barrière élevée entre lui et la Belgique. Sa fortune, si constamment menacée à Rome par les intrigues d’illustres politiciens, n’avait pas bénéficié des premiers succès contre Helvètes et Germains, qui, tenus pour médiocres, avaient coûté trop de sang aux légions, criait-on sur le Forum ; sa politique de guerre était désapprouvée, combattue, incriminée ; s’il échouait contre les Belges, si même un combat plus ou moins heureux laissait derechef les légions en lambeaux, le proconsul était perdu. C’était contre le massif de l’Aisne que pouvait, battue en brèche sur le Forum, se briser, après ses premiers pas, la fortune de Jules César.

Grand politique déjà, plus encore que grand militaire, obligé d’ailleurs de ménager ses forces et d’agir avec prudence, il cherchait par des intrigues à s’assurer des alliés. Les Rémois, seuls parmi les Belges, penchaient vers Rome Or, ils étaient alliés précieux, autant que l’avaient été, contre les Helvètes, les Eduens maîtres de la vallée de la Saône. Car, tenant le pays entre la Meuse et le massif de l’Aisne, ils avaient leur capitale Durocortorum (Reims) étant en plaine, bâti une place forte au flanc oriental du massif, Bibrax, probablement Vieux Laon[1].

  1. Les uns placent Bibrax à Beaurieux, au Sud-Est du massif de l’Aisne, les autres à Bièvres en plein massif, les autres au lieu-dit Vieux Laon entre Saint-Thomas au Sud et Erne au Nord, sur le glacis oriental du massif ; après avoir relu la Guerre des Gaules de César, il me paraît, bien que l’hésitation n’est guère permise. Bièvres, qui ne se recommande que par son nom, doit être cependant écarté ; César situe son camp à 8 000 pieds de Bibrax, soit 11 kilomètres 8 280, — disons 12, — ce qui est la distance exacte de Vieux Laon comme à la vérité de Beaurieux. Mais l’examen permet, entre Beaurieux et Vieux Laon, — « Camp des Romains », — de pencher fortement pour ce dernier.