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1417 ; La Hire, un des meilleurs soldats du roi, les en a chassés en 1418 ; ils l’ont repris en 1421 ; le roi les en chassera en 1441 et pour plus de sûreté le rasera. La Bove a été envahi par les Anglo-Bourguignons en 1400 ; Laon a été livré à la coalition ; Soissons semble pour eux. Lorsque, ayant tiré le roi de Bourges, lui ayant par sa campagne de la Loire, puis par sa campagne de la Marne, frayé la voie vers Reims, la bonne Lorraine l’a fait sacrer, elle se demande, dans une veillée d’angoisses douloureuses, si sa mission est remplie. La dynastie est-elle restaurée et la France sauve ? Mais le massif n’a pas reconnu le roi. Elle s’y engage de Corbeny, suit la crête du Chemin des Dames, descend à Vailly, y reçoit les clefs de Laon ; elle rend au roi Noyon, Compiègne. Et plus tard c’est à la nouvelle que cette cité est assiégée, principe d’une nouvelle bataille de l’Aisne, qu’elle reprend l’épée : on peut dire, puisque c’est là, en vue du massif, qu’elle fui prise, que c’est encore pour défendre sur une de ses avancées la région de l’Aisne que la noble fille a sombré dans la gloire.

Les siècles passent ; des féodaux, les châteaux de l’Aisne, Coucy, Anizy, ont passé aux Condé. La Fronde s’adosse au massif. Le gouverneur de Coucy, Hébert, refuse de reconnaître l’autorité du roi. Mazarin y jette des troupes : le 10 mai 1652, le célèbre château de 10 000 pieds carrés avec ses tours, ses murs, ses courtines, son donjon, est pris : une mine y est placée, car il faut en finir avec cette éternelle bataille de la Monarchie et des arrière-Féodaux dans le massif ; et l’énorme tour se fend des fondations au sommet. C’est par cette brèche que la Monarchie enfin rentre en maîtresse dans la région. La bataille des Féodaux est close.

Et c’est encore en cette contrée où, après César et Clovis, Carolingiens et Capétiens ont fondé leur fortune et l’ont disputée, où les fils d’Hugues et les Féodaux se sont affrontés, et Français contre Bourguignons, et Mazarin contre Condé, c’est en cette contrée fatidique, à Soissons, Reims, Laon, que Napoléon est ramené lorsque, d’un coup hardi, il tente de relever nos armes et son tronc. Point de doute que si le vainqueur de Craonne eut été, le lendemain, le conquérant de Laon, l’armée coalisée tout entière, — l’hypothèse fut par elle envisagée, — n’eût rétrogradé vers la Meuse et le Rhin. L’Empereur eût en quelque sorte rétabli sa fortune dans cette région même où