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et Vervins, qui possède autour de Coucy seul vingt et un villages et cent en ses autres seigneuries, le Coucy, qui de ses hautes tours domine, comme un aigle de son aire, la région de Noyon à Soissons et qui, de ce fait même, est le premier des féodaux, puisque Enguerrand III, au milieu du XIIIe siècle, en arrive à prétendre à la couronne de France.

Mais ce que le Coucy est à l’Ouest, le Roucy l’est à l’Est, Roucy qui ne tient pas seulement ce château dominant le massif de la rive gauche, entre Maisy et Cormicy et sur la tour duquel nous verrons Maud’huy surveiller sa bataille, mais qui, par cette tour, tient Vesle et Aisne, Roucy qui, descendant du Normand Ragenold, est devenu prince en cette région de l’Aisne, car, tenant encore Draine, Neufchâtel, Sissonne, il a acquis, après le bastion Sud-Est qu’est Roucy, le bastion Nord-Est qu’est Montaigu. Et, à côté des Coucy et des Roucy, il y a les sires de Parfondru, les seigneurs d’Anizy, les seigneurs de Vassogne, les seigneurs de la Bove, etc. Tant que ces gens, de Coucy à Montaigu, de Roucy à Anizy, seront maîtres, la dynastie de Paris ne sera pas solide. Imaginez ces gens qui, bien avant l’Allemand, ont utilisé les creuttes, liant leurs souterrains par un réseau de galeries à travers le massif. Les Capétiens ont, — des siècles, — mené la bataille des Féodaux, l’une des plus compliquées, capitale pour leur royaume. Ils sortaient de Reims sacrés, mais en regagnant Paris, ils passaient, — très vite, — sous les tours crénelées. Ils tournèrent, eux aussi, le massif, mais à leur façon qui fut toujours de préférence politique ; avares de concessions aux communes dans leur domaine, ils s’insinuèrent dans le pays en montant les bourgeoisies contre les seigneurs : quand Noyon et Laon les reconnurent pour les protecteurs de leurs petites républiques, les rois avaient à leur manière mené leurs sapes vers le massif. Alors ils entamèrent la lutte et les châteaux durent baisser pavillon sous peine d’être de haut en bas fendus. Ainsi, par deux fois, le Capétien a, par des batailles de l’Aisne, fondé et assuré son trône.

Et c’est là encore que le Valois vient, — en 1429-1430, — ressaisir ce trône derrière Jeanne d’Arc. Les Bourguignons ont livré le massif à l’Anglais : une lutte très âpre s’est engagée depuis quinze ans. Pour ne citer qu’un épisode, ce château de Montaigu, jadis possession des Roucy, est aux Bourguignons en