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pendant longtemps elle a pivoté entre Reims, Laon, Soissons et Noyon. » Rien n’est plus vrai : des Mérovingiens aux Capétiens, notre vieille histoire est là.

C’est à Reims que Clovis, par son baptême, a, en quelque sorte, transformé l’histoire des Gaules, car, de ce jour, une tribu de barbares, pas très différente jusque-là des autres, a reçu droit de cité dans cette civilisation gallo-latine, vaincue par les armes à Soissons, et licence de l’employer à de grands desseins. Et si le sacre des rois se fait traditionnellement à Reims, c’est cependant à Noyon que Charles, le futur Charlemagne, a reçu la couronne passée à une nouvelle famille. Et quand à cette deuxième race une troisième tente de se substituer, c’est le massif de l’Aisne qui est, entre les « ducs de France » prétendants au trône et les derniers descendants de Charlemagne, le grand champ de bataille. Celui qui enlèvera ou gardera le massif sera roi. Le comte de Paris, Eudes, s’empare-t-il de Laon en 891 sur le Carolingien, il devient roi ; Charles le Simple le reprend-t-il en 897, il redevient roi ; Robert, fils d’Eudes, après avoir battu Charles le Simple à Soissons, enlève-t-il derechef Laon au prix de sa vie, son frère Raoul sera roi ; le Carolingien Louis IV en est-il redevenu maître qu’aussitôt il s’y fait sacrer ; il abandonne la ville, il la reprend. Et le dernier des ducs de France, Hugues Capet, y assiège le dernier des petits-fils de Charlemagne, Charles de Lorraine, qui, réduit à ce mince domaine, reste roi tant qu’il est, ainsi que le disent les chroniqueurs, « le roi de Laon. » Ainsi Hugues tient-il à gagner les gens du massif ; c’est l’évêque de Laon, Adalbéron, qui, à Noyon, le fait acclamer rex Francorum et c’est donc sur ce champ de bataille, un siècle disputé entre les deux races, que le vainqueur fonde la troisième dynastie, comme Clovis a fondé vraiment la première entre le champ de bataille de Soissons et le baptistère de Reims, Charles, — très réellement, — la seconde au sacre de Noyon.

C’est à ce massif que reviennent, au XIIe et au XIIIe siècle, les petits-fils d’Hugues parce que, ce massif leur échappant, ils entendent le ressaisir. Que seront-ils à Paris si la voie de Reims leur est coupée par les féodaux qui ont mis la main sur le massif ? Le Coucy qui « n’est roy ne prince ne comte, » mais « qui est le sire de Coucy, » tient tout l’Ouest, vrai souverain qui a Saint-Gobain, qui a Pinon, qui, au Nord, a la Fère, Marle