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Lorsque, de la plaine champenoise qui s’étend entre Chà-lons et Vouziers, on pense gagner Laon ou Soissons, on se trouve en face d’un changement total de décor. Si on escaladait jadis une des tours, aujourd’hui ruinées, de la cathédrale de Reims, le contraste qu’offraient de là les deux contrées était frappant. Sans doute la plaine au Sud et à l’Est de Reims n’est-elle point complètement plate. Des éminences s’y remarquent : les hauteurs de Moronvilliers, au Sud-Est, forment même massif, et nos soldats de 1917 savent que les pentes de ce massif ne sont point si médiocres ; les hauteurs de la Pompolle, de Nogent-l’Abbesse, de Vitry-lès-Reims à l’Est, celle où, au Nord-Est, a été établi le fort de Brimont, sont assez marquées pour qu’elles aient pu constituer des positions où se sont, en 1914, dépensés, — finalement en vain, — les héroïques efforts des soldats de Franchet d’Esperey. Mais plus au Nord, la plaine reprend sans accidents sensibles : entre Brimont et les premières pentes du plateau de Craonne, une trouée fort large s’ouvre, défaut de la défense, qu’elle se fasse d’un côté ou de l’autre, que seuls coupent la croupe qui s’allonge de la ferme du Choiera au Camp de César, enveloppée au Nord et à l’Est par la marécageuse Miette, et les hauteurs de la Ville-aux-Bois, qui se rattachent, mais comme des îlots prolongent en mer un continent, au massif de l’Aisne.

Celui-ci, de ce côté, l’oriental, commence aux pentes de Beaurieux, d’Oulches, de Craonne, de Bouconville, et dès lors ce ne seront jusqu’à la forêt de Laigue, au-dessus de laquelle se dresse Tracy-le-Mont, jusqu’à l’éminence où Coucy-le-Château s’est bâti, jusqu’aux dernières pentes occidentales du massif de Saint-Gobain, entre l’Aisne, au Sud, l’Oise et la plaine de Laon, que plateaux coupés de vallons, creusés de cirques, effilés en éperons ou terminés en falaises, traversés de couloirs étroits et de capricieuses entailles où se reconnaissent, après le plissement très ancien, l’œuvre des lots marins, puis le travail des eaux souterraines.

Ce n’est pas pour faire image que M. G. Hanotaux intitulait sa conférence : les Falaises de l’Aisne[1]. Des hauteurs

  1. Conférence prononcée le 12 mars 1915 à la Société des Conférences. Revue hebdomadaire du 27 mars 1915.