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retrouver ses confrères, d’entendre mille petits cancans auxquels il s’attarde. (Musset ne l’appelle-t-il pas Mme Pernelle ? ) Il revoit Charles Labitte, qui lui a été si dévoué pour son Port-Royal, et Ampère, Lerminier, Guttinguer… Il apprend que Vigny ne fait rien, et il rit sous cape, « il est réputé ne plus pouvoir rien faire… Mais quand il voit Buloz il dit « je travaille beaucoup, vous serez effrayé de la quantité de manuscrits que je vous porterai bientôt… et Buloz rit… » Malicieux Sainte-Beuve ! Lausanne ne l’a pas changé, quoi qu’il dise.

Et puis, à l’Abbaye-au-Bois, Mme Récamier est satisfaite ; Port-Royal a plu : c’est Ampère qui vient de le lui dire… Il a revu en quelques jours Mme de Tascher et la délicieuse Valmore, qui va publier Pauvres Fleurs ! Il a repris sa place au cours d’Ampère ; il était professeur, le voici auditeur à nouveau. Enfin il trouve Paris beau, la Seine « souveraine, » et, après avoir admiré Rovéréa et les Alpes, il se reprend à aimer la vieille cité, les tours de Notre-Dame, et la flèche pointue de la Sainte-Chapelle, dont il regarde la fine silhouette dans la brume dorée des soirs.

Cependant, il a repris son labeur, il travaille à cet article sur La Fayette qu’il refusait après la critique de Planche, il commence la publication de Port-Royal, — effort colossal, — entre temps il s’occupera de Mme de Charrière[1].


L’année suivante, Sainte-Beuve est en Italie. Il a eu tout d’abord d’autres projets : aller à Lausanne chez ses amis Olivier en passant par le Midi de la France, — Mormoiron, — où il devait faire un séjour chez la sœur de Mme Buloz, Mme Combe.

Il aurait retrouvé là tous ses amis. Mais la chute du ministère Mole et la prolongation de la crise empêchent F. Buloz de s’absenter : Sainte-Beuve change donc son itinéraire, et le voici en route pour l’Italie. Les deux lettres qui suivent sont datées de Naples :

Naples, ce mercredi 22 mai[2].

« Mon cher Buloz,

« Depuis que je vous ai quitté, il n’y a que peu de jours encore, mais j’ai fait bien du chemin, vu bien des choses ;

  1. Ce portrait n’a paru que le 15 mars 1839.
  2. Inédite, 1839.