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381 millimètres de marine porte 270 kilomètres de fil d’un seul tenant. Une rupture locale du fil dans l’intérieur du canon n’a d’ailleurs aucune importance, car l’expérience et la théorie montrent que même alors, maintenu comme il l’est par la compression des couches adjacentes, il ne peut se détendre que sur une longueur insignifiante. L’inconvénient est beaucoup moindre que celui des défauts ignorés, des cavités ou des fissures qui subsistent dans les épaisses masses d’acier des canons ordinaires.

Quant à l’objection faite naguère que les canons à fil ne présentent pas de résistance longitudinale, de résistance au déculassement, l’expérience des dizaines de milliers de canons construits en Angleterre par ce procédé et utilisés pendant quatre ans de guerre prouve qu’elle ne tient pas et que cette résistance est parfaitement assurée par la jaquette, par le tube extérieur en acier qui entoure les canons à fil. C’est cette jaquette qui porte la culasse, exactement comme avec notre 75, et à l’encontre de ce qui a lieu dans les canons de Bange, où beaucoup moins rationnellement à notre avis (car il est mauvais que les mêmes organes aient à résister à des efforts distincts), c’est le tube du canon qui porte la culasse, bien que ce soit lui déjà qui ait à résister aux efforts transversaux.

Quels que soient d’ailleurs les procédés employés pour améliorer la résistance du tube central d’un canon, il est clair que le frettage à fil d’acier ne peut qu’en améliorer, qu’en renforcer les effets.

Quelques chiffres pour finir : les canons anglais en fil d’acier sont calculés de telle sorte que leurs pressions de sécurité étant supérieures à 5 100 kilogs et atteignant même près de 5 800 kilogs dans leur canon de 343 millimètres, la tension du tube reste pourtant inférieure à 3 150 kilogs.

Le Treatise on service ordnance de 1908 que nous avons déjà cité contient des données qui résument bien les résultats et les progrès concrets obtenus dans cette voie. Il en résulte que, lorsque le canon de 12 pouces (305 millimètres) à trois frettes fut remplacé par un canon à fil de même poids et de même sécurité, celui-ci avait pu être porté à 35 calibres de longueur au lieu de 25. De ce chiffre, comme de tous ceux qui résultent également de la comparaison faite dans les documents anglais entre des canons donnés à frettes ordinaires et leurs substituts à fils d’acier, il résulte que le rendement de ceux-ci est de 150 à 160 pour 100 de celui des premiers. Le rendement est en réalité encore bien supérieur, si l’on tient compte de la prudence vraiment excessive des artilleurs anglais qui n’emploient jamais en