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raisonnement suivant (qui est, comme disent les mathématiciens, un raisonnement de récurrence) que la résistance d’un canon d’épaisseur donnée s’accroît avec le nombre des frettes : nous avons expliqué ci-dessus pourquoi le serrage d’une frette permet d’augmenter la pression limite à l’intérieur d’un tube ; si nous considérons l’ensemble de ce tube et de sa frette comme un tube unique, il est clair qu’en faisant agir sur celui-ci une nouvelle frette, notre raisonnement sera toujours valable. Par conséquent, en raisonnant ainsi de proche en proche, on voit que, pour une épaisseur totale donnée, la résistance d’un canon augmente avec le nombre de frettes. Il y a d’ailleurs évidemment une limite qu’il ne faut pas dépasser dans le serrage des frettes, sous peine d’écraser le tube interne, et qui est fournie par la limite d’élasticité à la compression, laquelle, pour les aciers à canon, est d’ailleurs égale à la limite d’élasticité à la traction.

Un tube composé d’un grand nombre de frettes pourra donc supporter une pression interne bien plus grande, et par conséquent donner une vitesse initiale bien plus considérable, qu’un tube unique de même épaisseur. Ou encore, et pour prendre la chose sous un angle différent, un canon fretté aura une épaisseur et un poids bien moindres qu’un canon à tube unique de même puissance. Ou encore, la pression de tir et le poids de la pièce restant identiques, un canon frette sera beaucoup plus long qu’un canon non frette et, par conséquent, sa portée pourra être bien supérieure.

Tout cela montre que le frettage a permis d’accroître considérablement la puissance de l’artillerie, et dans des proportions que limite seulement le nombre de frettes réalisables.

Imaginons un canon comportant une infinité de frettes infiniment minces, superposées et telles que, dans le tir, elles travaillent toutes également au taux de sécurité adopté. On peut calculer qu’un tel canon, — que le commandant Moch appelle tube théorique, — aurait une résistance égale à 3,40 fois celle d’un tube simple de même épaisseur, 1,92 fois celle d’un tube simplement frette, 1,57 fois celle d’un tube à deux enveloppes. Ou, si l’on veut renverser la comparaison, on voit que les épaisseurs du tube théorique et du tube à une ou deux frettes seraient respectivement égales à 0,29, 0,52 et 0,54 de celles des tubes homogènes correspondants.

On voit par-là l’intérêt très grand qu’il y aurait à augmenter beaucoup le nombre des frettes et, partant, à en diminuer l’épaisseur. En fait, dans les canons frettés des plus gros calibres, on n’a pas jusqu’ici dépassé le nombre de trois ou quatre frettes, car il faut,