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chacun de nous doit exercer sur ses paroles et ses écrits, — et qui est plus impérieuse que celle qui siège au temple de Plutus, — est là pour me l’interdire. Ce que je voudrais seulement, c’est, évoquant des données depuis longtemps connues de tous les artilleurs et publiées bien avant la guerre, montrer qu’on pourrait peut-être, par un mode de fabrication des canons depuis des années très usité à l’étranger, et mis d’ailleurs jadis au point par des cerveaux français, apporter un nouvel appoint de force à notre artillerie.

Les balisticiens, — ces métaphysiciens du canon, — ont accoutumé de définir la puissance, d’une bouche à feu par la force vive du projectile au point de chute et par la portée maxima. Comme toutes les définitions, — car nos mots sont toujours impuissants à embrasser, dans leurs cadres étriqués, la complexité fluide du réel, — celle-ci est incomplète. Il faudrait pour le moins, si on voulait un peu plus explicitement définir la puissance, c’est-à-dire le pouvoir d’agir d’une bouche à feu, faire entrer en ligne de compte la vitesse de son tir qui en multiplie l’efficacité, sa mobilité qui étend son rayon d’action. Il faudrait ainsi faire entrer en ligne de compte non pas seulement la force vive mécanique du projectile (fonction de son poids et de sa vitesse) mais aussi, si j’ose dire, sa force vive chimique (fonction de son rendement en puissance explosive). Mais c’est assez, car la rectification des manières de parler des balisticiens nous mènerait trop loin.

J’ai expliqué naguère ici même, à propos des explosifs, que les poudres pyroxylées à cause de leur combustion progressive, avaient permis d’augmenter beaucoup la vitesse initiale des bouches à feu. Cela provient, je le rappelle, de ce que, au lieu du choc violent que les poudres anciennes imprimaient au projectile, les poudres sans fumée maintiennent un temps assez long, pendant qu’elles brûlent, la pression maxima qu’elles produisent, ce qui a pour effet d’augmenter l’impulsion finale donnée au projectile, sans que pourtant la pression maxima à laquelle est soumis l’intérieur du tube soit devenue plus grande. Autrement dit avec les poudres nouvelles cette pression maxima n’est pas plus grande qu’auparavant, elle est seulement moins soudaine, plus prolongée.

Il est clair d’ailleurs que tout ce qui permettra, sans nuire aux autres qualités d’un canon, à sa légèreté par exemple, d’augmenter la pression maxima des gaz de la poudre, la pression de tir, comme on dit, augmentera du même coup sa puissance, puisque la vitesse initiale, la portée et la forcé vive du projectile seront accrues du