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baccalauréat : c’est le baccalauréat tel qu’il sera, lorsqu’on l’aura réduit à n’être qu’un certificat d’études.

Cela explique l’extrême indulgence dont a fait preuve le jury. Presque tous les concurrents ont été récompensés, comme dans les cours d’éducation où les plus mal partagés ont du moins un prix de bonne volonté. On a mis cette mansuétude sur le compte des gothas. La vraie raison est tout autre. Puisque le vague parchemin qui va être délivré à des concurrents falots n’a aucune importance, il s’ensuit qu’il est bien inutile de faire de la peine à de bons jeunes gens en leur refusant une satisfaction aussi parfaitement vaine. J’ai connu de même des professeurs en Sorbonne qui, de parti pris, donnaient une boule blanche à tous les candidats : ils exprimaient ainsi, à l’adresse des brevets qu’ils décernaient, un mépris transcendant.

J’arrive aux scènes qui ont été interprétées devant nous, et je m’empresse de dire que plusieurs l’ont été de façon plus qu’honorable. Le choix des morceaux, à quelques exceptions près, était excellent. Et quel délice que cette succession des plus belles scènes empruntées à l’histoire de notre théâtre ! On passe de Molière à Beaumarchais, de Musset à Dumas fils et à Meilhac. Tant pis pour ceux qui ne voient de ces morceaux détachés que la bigarrure et l’incohérence ! Pour moi, je ne me lasse pas d’en goûter la variété : c’est un raccourci des mille ressources de notre génie dramatique, une fête pour l’oreille et pour l’esprit. Chaque scène, tirée d’un ouvrage fameux, éveille le souvenir de la pièce tout entière. Arnolphe et Harpagon, Célimène et Lisette, Froufrou et le duc de Septmonts, tous ces grands amis de notre imagination, tous ces familiers de notre souvenir défilent devant nous, et nous les comparons aux images qu’en ont dessinées hier et jadis les plus fameux interprètes de ces rôles.

Qu’on me permette à ce propos une remarque : aucun élève ne devrait quitter le Conservatoire avec son premier prix, s’il n’a concouru dans un morceau classique. Que ces jeunes gens fassent apprécier dans des scènes modernes leurs plus heureuses qualités d’entrain, de verve et de sensibilité : tant qu’il leur plaira. Mais leur degré d’instruction ne se mesure qu’à la façon dont ils disent les vers de Corneille et de Racine, et dont ils jouent Molière, Marivaux et Beaumarchais. Là même est la raison d’être du Conservatoire et il est toujours dangereux qu’une institution laisse tomber en désuétude ce qui est sa raison d’être. Nous avons besoin d’une école de déclamation pour que les acteurs français soient capables de jouer les