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d’Asie… Ces accords sont ainsi comme la première reconnaissance et constitution du front d’Asie appelé à suppléer je front écroulé de l’Orient russe pour la lutte sans interruption ni fissure contre l’ennemi qui déjà croyait libres et sans obstacle la route et l’Empire de l’Est.


V

La France et l’Angleterre étaient d’avance acquises a cette conception du front d’Asie, et aux mesures proposées à cet effet. M. Stéphen Pichon et M. Balfour avaient, en prévision des nouveaux empiétements germaniques, signalé eux-mêmes ce que l’effort de nos Alliés d’Extrême-Orient pourrait avoir d’opportun et de décisif contre la menace d’un tel péril. L’Italie et les autres Alliés d’Europe étaient de même tout préparés à bien accueillir le précieux concours leur venant ainsi de la lointaine Asie. Les États-Unis enfin, si ardents à organiser la résistance du monde entier contre la tyrannie germanique et si résolus à ne pas laisser la Russie exposée sans défense aux entreprises d’un envahisseur qui avait eu la victoire si facile, ne pouvaient récuser une assistance dont l’efficacité apparaissait si évidente. Ils désiraient toutefois, dans leur sincère attachement aux principes de l’indépendance et de la liberté des peuples, avoir apaisement et certitude sur l’accueil que la Russie elle-même réserverait à la tentative conçue pour son salut, comme pour l’intérêt général des Alliés.

Dans la situation faite à la Russie par les traités de Brest-Litovsk et les conditions d’anarchie et de terreur dans lesquelles ces traités avaient été signés, il était assurément malaisé d’obtenir sur les sentiments et les volontés d’une nation ainsi éprouvée les clartés et certitudes ci-dessus requises. Il ne pouvait être question de consulter les bolcheviks et les soviets avec lesquels n’existait d’ailleurs aucune relation officielle. Quant à la nation, en proie à la guerre civile, aux factions et aux désordres, il n’était permis, pour deviner ou préjuger ses pensées ou désirs, que de faire des suppositions et de lui prêter, selon l’humeur bienveillante ou sévère de ceux qui tentaient de l’apprécier, les intentions et aspirations dont ceux-ci la croyaient capable.

Depuis lors, un peu de lumière s’est faite ; l’âme russe,