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enflèrent seulement du double, bien que la somme de l’or et de l’argent répandue sur la surface de l’Europe ait peut-être sextuplé de 1800 à 1900 ; mais, d’une date à l’autre, la quantité des marchandises produites avait sans aucun doute plus que triplé.

Or, depuis quatre ans, en face d’une production partiellement tarie et d’une circulation paralysée, le monde des consommateurs s’est accru d’une foule d’enrichis, prodigues et pressés de jouir. Ce n’est pas parce qu’ils paieraient en or qu’il y aurait plus de marchandises à vendre, il y a, parmi les belligérants, des peuples qui paient en or, les Anglais, les Américains ; chez eux comme chez nous les prix ont monté, ou, s’ils sont plus bas, comme par exemple ceux du charbon, du sucre ou du ( papier aux Etats-Unis, cela tient à ce que, chez nous, la hausse de ces articles importés vient surtout du fret, dont on est exempt de l’autre côté de l’Atlantique.

En Espagne, non seulement on paie tout en or, mais l’on regorge d’or, — au cours de la seule année 1917 il est entré 750 nouveaux millions d’or à Madrid à la Banque d’Etat dont l’encaisse a augmenté de 50 pour 100. — Les Espagnols sont tellement encombrés d’or qu’ils ne l’acceptent qu’à perte ; ils repoussent, par un change défavorable d’environ 6 pour 100, cet or étranger, au lieu duquel ils voudraient recevoir des marchandises dont ils ont besoin, et qui ont enchéri chez eux comme en Suède, dans les Pays-Bas et ailleurs. Ce qui se passe est donc tout le contraire de la dépréciation des assignats au temps de la Révolution ; nos billets de banque sont si apprécies des porteurs qu’ils les thésaurisent, avec la même passion que les deux milliards d’or qui restent encore dans leurs coffres ou leur bas de laine. Ils font des amas de ces billets, tandis qu’ils pourraient les employer à acheter des immeubles, dont le prix a peu varié depuis quatre ans.

Une autre preuve en effet qu’il n’y a pas avilissement du papier de crédit, — parce que papier, — mais bien hausse des prix, comme au XVIe siècle, par rupture d’équilibre entre la monnaie et les marchandises, c’est que partout ces prix ont très diversement augmenté, suivant que la guerre a plus ou moins affecté, depuis quatre ans, la production ou la consommation particulière de chaque chose. Il est des objets, des services ou des loyers qui, moins recherchés ou largement offerts,