Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’univers, a publié le chiffre de celles qui étaient rentrées aux Etats-Unis par suite des ventes de l’Europe. L’Angleterre, en trois ans, s’est procuré une somme approximative de 425 millions de francs par la réalisation de la majeure partie des titres qu’elle possédait en cette seule affaire ; tandis que la France, dont le stock était comparativement modeste, n’a tiré de la portion vendue qu’environ 22 millions de francs.

Est-ce à dire que, ces déductions opérées sur les 74 milliards de nouvelle richesse, le surplus corresponde au gain des nouveaux riches ? Il en faut encore retrancher les économies normalesvque les Français de toute classe faisaient en temps de paix ; on les estimait à 3 milliards par an dans la période quinquennale 1909-1913. L’envahissement partiel d’une dizaine de nos départements les plus riches et, dans le reste de la France, la révolution économique conséquente à la guerre qui a changé l’état des personnes et transformé d’anciens riches en nouveaux pauvres, ont réduit les facultés d’épargne de la nation, et l’on peut admettre que la part des rentiers de 1914 dans les nouvelles rentes ne soit guère, de ce chef, que de 6 milliards. Par l’ensemble de ces divers retranchements il reste, sur les valeurs mobilières de nouvelle création, une somme d’environ 58 milliards de francs à laquelle nous estimons la fortune actuelle des nouveaux riches.

Mais, dira-t-on, comment se fait-il que l’État, sur ces 58 milliards, n’en connaisse et par conséquent n’en taxe pas plus de 4 ? C’est que ces milliards sont trop divisés, trop fluides, trop cachés et que, pour la plupart d’ailleurs, la loi s’est sagement interdit d’en faire recherche. D’abord, tous les bénéfices inférieurs à 5 000 francs sont exempts et l’on comprend que, pratiquement, par ce chiffre de « 5 000 » francs, l’on doit entendre 20 000, 30 000 ou davantage, pour peu que la boutique ou l’atelier soient de tranquille apparence, et fondés d’assez vieille date pour n’attirer point l’attention.

Pour les bénéfices agricoles, l’exemption est, de droit, illimitée. Pour les intermédiaires sans patente, l’exemption est de fait ; parce que les plus difficiles à atteindre sont précisément les plus louches, ou mieux, les moins intéressants, « agents de liaison » de l’arrière qui offraient des obus sans risquer d’en recevoir : la demi-mondaine qui a vendu des explosifs, le député qui a vendu des draps ou des bœufs, le « marchand de