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il fut accueilli à la cour de Turin, où il gagna la confiance de la duchesse régente de Savoie, Christine de France, sœur de Louis XIII. De retour à Paris, il continuera d’être avec elle en relations, sera son correspondant et, en quelque sorte, son informateur parisien. Il rentre à Paris vers la (in de l’année 1648. Alors, il s’approche de Retz. Deux hommes qui ne se ressemblent pas, ceux-là : l’un qui est en perpétuel dialogue avec sa conscience, l’autre qui ne consulte sa conscience jamais ; et l’un qui n’a pas beaucoup d’esprit, l’autre qui est tout esprit. Ce qui les réunit, c’est leurs chimères : l’un qui a toutes les chimères de la conscience, et l’autre toutes les chimères de l’esprit. Ces deux hommes, très inégaux, sont également déraisonnables. Sévigné sera le subordonné de Retz. Et comment n’eût-il pas trouvé quelque chose, en Retz, qui dût le séduire, quand il y avait de tout en Retz, une extraordinaire diversité d’attraits ? Et comment Retz n’eût-il pas empaumé ce garçon peu défendu, quand il empaumait les plus matins ? Bref, Sévigné se vit confier le régiment de Corinthe, lequel éprouva, au pont d’Antony, sur la route de Paris à Longjumeau, vers la fin de janvier 1640, cette défaite ridicule et qui fut appelée « la première aux Corinthiens. » Il y eut des chansons, d’où résulte un Sévigné dérisoire. Et, comme il y a beaucoup de chansons dans la Fronde, on a coutume de traiter gaiement cette aventure où faillit succomber la monarchie. Ce fut, en réalité, une horrible histoire, avec du sang, des dévastations, tous les commencements de l’anarchie, ses conséquences immédiates de misère, de famine et de calamité universelle. Non, la Fronde n’a pas été cette plaisanterie que les chansons donnent à imaginer. Saint Vincent de Paul y eut l’occasion de ses charités ; et, par le remède qu’il apporta, l’on juge aussi du fléau. Quant à la gravité de cette crise, il suffit de rappeler qu’elle est contemporaine de la révolution d’Angleterre : il n’y a que l’espace de quelques jours entre la première aux Corinthiens chez nous et, à Whitehall, l’exécution de Charles Ier. Cependant, voici le scrupuleux Sévigné dans cette affaire. Tel était le trouble des opinions. Parmi les frondeurs, il y a des gens de toute sorte, une majorité d’ambitieux et, dans le nombre, des coquins ; il y a d’honnêtes hommes et qui, de bonne foi, songent à leur pays et même à leur roi. Bassompierre, interrogé par Louis XIV plus tard sur ses états de