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épousé la fille d’une Gondi, fut le beau-père de Mme de Sévigné l’épistolière. Renault de Sévigné, tôt orphelin, n’eut qu’un tiers de la fortune paternelle : son frère lui donna en sus la seigneurie et la terre de Champiré dans la province d’Anjou. En 1630. il est capitaine au régiment de Normandie. Eh 1642, maréchal de bataille à l’armée d’Italie : il se distingua au siège de Torlone. Maréchal de camp l’année 1646, il est à Piombino ; l’année suivante, à Crémone. Ce fut la fin de son service régulier ; puis commence l’époque de ses vivacités. Henri de Campion, qui l’a connu à la campagne de Franche-Comté, parle de lui comme d’un garçon qui avait de la lecture et de la pensée. Voici un petit groupe d’officiers du roi, digne d’estime et de quelque étonnement charmé : « Après avoir raisonné ensemble sur les sujets qui se présentaient, sans dispute ni envie de paraître aux dépens des autres, l’un de nous lisait haut quelque bon livre dont nous examinions les plus beaux passages pour apprendre à bien vivre et à bien mourir, selon la morale, qui était notre principale étude. » Ce petit groupe d’officiers moralistes, il y aurait plaisir à lui en comparer d’autres qui sont bien d’une autre sorte et, par exemple, celui avec lequel Bussy fait la campagne de Catalogne : l’on y aime aussi la lecture, mais plus gaillarde ; et l’on y « raisonne, » mais d’autres sujets ; sur les intrigues de l’amour et de la politique ; et l’on y dessine, avec un vif entrain de libertinage, la carte du pays de Baquerie… Le chevalier de Sévigné, très jeune, au temps de ses batailles, eut des velléités édifiantes. On rapporte qu’à la prise et au sac d’une ville, ayant trouvé une fillette sans parents et toute dépourvue, il s’arrêta, l’enveloppa dans son manteau, la confia aux soins d’un monastère, où il paya sa pension et où plus tard elle fit ses vœux. Il y avait du saint Vincent de Paul en ce militaire. D’ailleurs, on rougirait de ne pas admirer ce grand souci de la morale qui, dans les camps, lui fait rechercher les bons livres et les plus honnêtes leçons pour bien vivre et pour bien mourir. Cependant, il manque de naïveté, comme en ont besoin les hommes d’action ; mais il a une autre naïveté, celle qui est dangereuse aux théoriciens. Et, de ses méditations, résultera de la chimère. Il ne sera ni tout à fait simple, ni tout à fait avisé. Il sera d’une espèce de gens d’armes qui ne profitent excellemment ni à eux-mêmes ni à leur cause.

Pendant les derniers mois de son séjour militaire en Italie,