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dépense de guerre : les jurés des savetiers, le Roi les embrassa et les complimenta des cinq mille livres qu’ils donnaient, quasi autant que le corps des notaires… Et l’on reprit Corbie, l’on repoussa l’invasion.

Mais comme, après le danger, l’on se souvient encore un peu d’avoir été fort imprudent, le premier loisir on l’emploie à des mesures de précaution. Bref, on s’avisa de mettre en état de résister les environs de Paris. Au mois de novembre de cette année 1636, le marquis de Brézé, qui avait dix-sept ans, reçut mission de fortifier Pontoise. Il y achemina un régiment. La ville dut pourvoir à la subsistance des hommes d’armes et les collecteurs des tailles recueillir à celle fin trois mille livres tournois. Les paroisses étaient pauvres : déjà plusieurs passages de troupes les avaient éprouvées. Il y eut des chicanes, des plaintes ; il y eut de la politique. Néanmoins, les travaux se tirent : c’est M. de La Vergne qui les dirigea. M. Le Pailleur lui écrit : « Un soldat me dit l’autre jour — que Pontoise était ton séjour. — Il me raconta des merveilles — de tes fortifications ; — il me nomma des bastions, — des forts, des pièces détachées, — des retranchements, des tranchées, — des angles flanqués et flanquants, — des demi-lunes et des pans, — des contrescarpes, des courtines, — des parapets, des contre-mines, — des banquettes, des corridors, — et des dedans et des dehors, — et mille autres termes semblables — que je prenais pour nom de diables… » Il tient à honneur de s’embrouiller dans tout cela ; mais il célèbre la vigilante ardeur de son ami, créateur d’une forteresse si puissante « qu’un Alexandre — en dix ans ne la sauroit prendre. » Cependant, le marquis de Brézé, par sa douceur et son joli air, conquiert et les notables et la multitude. Chacun travaille selon ses aptitudes les meilleures, Hédelin se rappelle qu’il est abbé : il prêche contre les vices de la chair et de la bonne chère avec une si persuasive éloquence « qu’on ne voit plus dedans les rues — que des vendeuses de morues. » M. de La Vergne avait amené sa famille, sa femme et la petite Ménie, et aussi son beau-frère, Gabriel Pena, seigneur de Saint-Pons, un garçon qui prenait la vie doucement, chassait et, autour de la chasse, trouvait des occasions de rurale galanterie.

Voilà un peu les alentours de cette petite fille, quand elle a deux et trois ans : la France envahie, des périls, un grand zèle