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une carrière un peu modeste, si la faveur de ces Richelieu que nous voyons au baptême de sa fille ne l’avait tiré des emplois subalternes et, du grade de capitaine au régiment de Picardie, amené à quelques honneurs. Mais il était, dans le métier des armes, une sorte de savant et un lettré. Il fut choisi comme gouverneur du jeune duc de Fronsac, Jean-Armand de Maillé-Brézé, fils du maréchal, ainsi neveu du cardinal et frère de Claire-Clémence de Maillé, qui épousa le grand Condé. Le jeune duc mourra en 1646 à la bataille d’Orbitello, tué d’une volée de canon et âgé de vingt-sept ans. Les témoignages sont unanimes à lui accorder toutes les vertus : vaillant, libéral et courtois, une intelligence très fine et de l’esprit, de la bonté souriante ; aucun vice, et non pas même l’envers doses qualités. On a dit, qu’il était « l’honneur de la France et de la cour[1]. » Il avait quinze ans, lorsque Marie-Madeleine de La Vergne naquit.

M. de La Vergne était veuf et, d’un premier mariage, avait trois filles, — deux entrèrent au couvent ; — puis il épousa, au mois de février 1633, Elisabeth ou Isabelle, — Isabelle probablement ; mais on lui donne l’un ou l’autre de ces noms dans les actes, — fille de François Pena, médecin du roi. C’est la mère de Marie-Madeleine. Elle appartenait à une famille provençale qui avait, dit-on, « marqué au parlement d’Aix. » Deux de ses ancêtres méritent d’être mentionnés : l’un du XIIIe siècle, Hugues de Pena, qui servit le roi Charles de Naples et à qui la reine Béatrice donna le laurier de poète l’an 1280 ; l’autre fut, au XVIe siècle, un fameux mathématicien, Jean Pena. De Thou parle de lui dans son histoire. Il cultiva l’optique et l’astronomie. Il eut Pierre La Ramée dit Ramus pour son élève ou bien pour son maître : pour son élève, si nous en croyons de Thou ; mais, comme il l’appelle une fois pracceptor meus, il est possible que les rôles soient tout au contraire. Jean Pena mit au jour plusieurs ouvrages d’Euclide, les traduisit en latin, les commenta et, dans la préface des Catoptriques, « il dit plusieurs choses du miroir cylindrique, qui sont presque incroyables et qui donnent de l’étonnement, comme si les effets n’en étaient pas naturels. » Le cardinal de Lorraine fit créer pour lui, au collège royal de France, une chaire de

  1. Sur les Brézé : Mélanges inédits de Philibert de La Mare. Plusieurs copies ; notamment celle de la Bibliothèque nationale, fonds fr, 23 251.